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La Politique

EPERVIER : LE CAS MARAFA : Marafa n’est pas Kafka

Depuis son arrestation le 16 avril 2012, l’ancien ministre a produit
trois lettres pour clamer son innocence dans l’affaire Albatros et
dénoncer un procès politique.

 Alors que les faits mis en exergue aussi bien par la justice camerounaise que suisse devraient l’installer dans une posture d’humilité. Petit rappel des faits.L’affaire éclate au grand jour le 25 avril 2004. Ce jour-là, le président de la République Paul Biya, son épouse et leurs enfants embarquent pour la première fois à bord de “The Albatros “, la nouvelle vedette de la flotte présidentielle camerounaise. Paul Biya se rend en effet à un sommet à Paris sur le bassin du fleuve Niger. En plein vol l’avion, arrivé une semaine seulement auparavant, est victime d’une sérieuse avarie, notamment une panne de train d’atterrissage. Très vite les langues se délient. Elles  mettent en lumière les manquements graves qui ont entouré l’opération d’acquisition d’un nouvel aéronef pour requinquer la flotte présidentielle. On se rend alors à l’évidence : en lieu et place d’un appareil neuf de type Boeing business jet II, sorti des usines de la firme américaine,  le président de la République a hérité d’un avion qui avait 18 ans d’âge à l’époque, affichant 58000 heures de vol, et qui, en prime, avait eu le temps de faire le tour des compagnies aériennes du monde, à TransBrasil, Lan Chile ou Air Madagascar.Les experts de l’état-major particulier du président de la République, après des missions aux Etats-Unis, avaient émis de sérieuses réserves sur le choix de l’appareil envisagé. L’un de ces experts, interrogé par Le Messager en 2004, était formel : « Lorsque nous inspections cet appareil, (…) nous étions convaincu que si une simple visualisation externe pouvait laisser apparaître autant de défauts, il pourrait y en avoir davantage lorsque sera effectué une visite approfondie, notamment sur les moteurs et d’autres parties sensibles d’un aéronef de ce type. » Les experts du bureau Liaison air de la présidence ne seront plus jamais associés à l’opération, pas même lors de l’inspection approfondie de l’appareil.FlashbackLorsqu’en 2001 il est décidé d’acquérir un nouvel avion pour les déplacements du président de la République, le dossier est naturellement confié à Marafa Hamidou Yaya, alors secrétaire général de la présidence de la République. Ce dernier sollicite l’expertise du Dg de la Cameroon Airlines de l’époque, Cyrille Etoundi. Mais les propositions faites par le DG ne sont pas acceptées. Ce qui va d’ailleurs précipiter son éjection de la direction de la compagnie aérienne et l’entrée en scène d’Yves Michel Fotso. C’est lui qui sera à l’origine du montage financier méandreux mis à découvert. Fotso propose, contre l’avis du ministre des Finances Michel Meva’a Meboutou, d’acquérir l’avion par leasing, un dispositif de location-vente. Il est soutenu par Marafa. Meva’a Meboutou dira plus tard au juge d’instruction que c’est Marafa Hamidou Yaya qui lui a indiqué, en présence d’Yves Michel Fotso, et de Jean Marie Assene Nkou, les sociétés et les comptes bancaires par lesquels l’argent tiré du guichet de la Société nationale des hydrocarbures, 31 millions de dollars, 24 milliards Fcfa à l’époque, devaient transiter. L’argent atterrit alors dans les comptes de GIA International de l’Américain Russel Meek, un intime de Fotso, société choisie par Marafa. La somme doit couvrir 43% de la valeur du Bb Jet II. Le reste, soit 41 millions de dollars, devant être échelonné sur 10 ans. D’où la proposition d’une “Stand By Letter of Credit” avancé par Marafa et Fotso pour servir de garantie, mais catégoriquement refusé par Meva’a Meboutou. Et à raison (voir encadré).Les nombreuses expertises menées par l’expert-comptable Jean Pierre Okalla Munda et l’expert-financier Paul Emmanuel Tonyè démontreront d’ailleurs plus tard que sur les 31 millions de dollars virés dans le compte de GIA à la Bank of America à New York, avec pour destinataire final la firme Boeing, 16 millions de dollars ont pris le vol retour, à destination des caisses de la Commercial Bank of Cameroon que dirige Yves Michel Fotso, pour un partage. Au profit de qui ? Et selon la justice fédérale suisse, « En mai 2003, un virement de 1 million de dollars us avait été ordonné puis annulé dans le compte de Marafa. L’ordre de virement annulé avait finalement été viré au profit de la Commercial Bank of Cameroon. »Fort de ces données, le juge d’instruction Pascal Magnaguémabé, convaincu de la forte implication de Marafa dans cette affaire, prend, le 11 janvier 2011, une ordonnance de disjonction de procédure et met clairement en cause Marafa, alors ministre d’Etat, ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation : « Les personnes mises en cause dans le détournement de la tranche de 27 millions de dollars Us avancés par la Snh pour l’achat du Bbj-2 présidentiel sont : Yves Michel Fotso, Marafa Hamidou Yaya, fernando Gomez Mazéra, Russel L. Meek, dame Sandjong Gisèle, Mamadou, Ying André, Ndonmo, Youmi Raymond, Tchana Hugues, Ngoumba, Mandeng, les autres individus physiques non identifiés. Ces personnes n’ont pas encore été soit identifiées, soit inculpées, soit interrogées. » Pour Hubert Patrick Otélé Essomba, l’un des mis en cause dans l’affaire qui déposait par devant le tribunal de grande instance du Mfoundi le 31 janvier 2012, Yves Michel Fotso et Marafa sont bel et bien les auteurs du détournement des 27 millions de dollars envolés.

William Pascal Balla

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