«Vous êtes-là, vous avez fait le tour, je crois que la réponse, vous pouvez la donner vous-mêmes, (…) la Sonara se porte très bien ».
Le directeur général de la Société nationale de raffinage qui accueille les reporters de votre journal, en moins de trois mois après ce que Charles Metouck appelle lui-même, « la rumeur ». En référence à l’annonce d’une pénurie de carburant en mi-mai 2011, du fait, disait-on, de la Sonara qui aurait averti qu’elle ne serait pas capable, à compter du 16 mai 2011, d’approvisionner le marché camerounais en carburant. Le directeur commercial de Total Cameroun, le leader du marché camerounais de distribution des produits pétroliers, s’était alors empressé d’informer sa clientèle sur « un risque de rupture de carburants (super, gasoil, pétrole, jet… ». D. Ducognon poursuivait alors apocalyptique : « Malgré tous les efforts que nous continuerons à produire afin de garantir vos programmes de livraison, nous vous demandons de vous préparer à des ruptures possibles ».
L’enjeu du projet de modernisation et d’extension de la Société nationale de raffinage en cours de réalisation n’est pas seulement économique et commercial. C’est aussi un enjeu stratégique. Une question de souveraineté nationale. Parce qu’un pays producteur de pétrole comme le Cameroun, ne peut plus se borner à vendre tout son or noir à l’état brut, et se contenter de raffiner depuis 30 ans sur son sol, du brut entièrement importé. Aujourd’hui, la Sonara a décidé de se moderniser, de se doter d’équipements performants lui permettant de traiter entièrement le brut camerounais, avec toutes les retombées que l’on peut imaginer. Malgré quelques difficultés, les responsables de l’entreprise conduisent le projet. Avec l’aval et le soutien des hautes autorités de la République. Dans les quatre pages qui suivent, L’Action livre le fruit des reportages réalisés sur le site, à Limbé.
Il n’en sera finalement rien. L’information s’avèrera n’être qu’une tentative de manipulation de l’opinion et des décideurs par certains marketers qui espéraient au passage, forcer la main au gouvernement pour obtenir des marges commerciales juteuses à l’importation, en plus de celles de distribution.Le subterfuge consistait à laisser croire que la Société nationale de raffinage était incapable de satisfaire la demande locale de produits pétroliers, ce qui ouvrait largement la porte aux importations, avec bien évidemment, des marges bénéficiaires importantes pour marketers et aussi, des incertitudes et des inquiétudes pour les populations quant aux prix pratiqués à la pompe. « La Sonara, continue de marteler Charles Metouck, n’était pas mêlée à cette affaire ».Toujours est-il qu’en dépit de ce que la pénurie des produits pétroliers n’a pas eu lieu, des inquiétudes sur le fonctionnement de la Sonara demeurent. Des rumeurs sur la bonne santé, la gestion et l’avenir de cette raffinerie opérationnelle depuis 1981 persistent. Véhiculées parfois par des personnes qui n’en savent pas grand chose et qui n’ont jamais mis pied à Limbe pour toucher la réalité du doigt.Ballet de gros porteursPourtant, lorsque le visiteur débarque au quartier Limbola à Limbe qui abrite les infrastructures de la Sonara, il est accueilli par une longue file de camions citernes stationnés de part et d’autre de la route qui mène au village Bakingili. Par dizaines, ils sont-là, attendant chacun de passer à son tour au PCCC, le poste de chargement de camions citernes et emporter des tonnes de gasoil, de jet, de super, de pétrole lampant ou de butane, le gaz domestique, des produits de grande consommation sur le marché camerounais. De jour comme de nuit, le ballet des gros porteurs se poursuit sans arrêt, preuve d’une intense activité. La Sonara fonctionne encore. Elle tourne jour et nuit et n’est probablement pas demain la fin. 24 heures sur 24, la torche brûle. Elle brule les gaz excédentaires issus des unités de raffinage de pétrole brut, symbole de vie de l’usine. L’entreprise vieille de 30 ans semble s’être donnée une nouvelle vie. La Sonara a mis à profit l’arrêt de presque deux mois observé du 19 octobre au 11 décembre 2009 pour se refaire une santé. Dans l’optique d’assurer des performances améliorées en terme de sécurité, de fiabilité et de flexibilité, afin d’asseoir la pérennité de ses installations. Dans des conditions, le record de 2000 jours sans accident avec arrêt ne pouvait qu’être battu.
Côté disponibilité permanente des produits pétroliers, impossible, au regard du fonctionnement actuel de la raffinerie, d’envisager une pénurie de produits pétroliers du fait de la Sonara. Le directeur général affirme d’ailleurs avec une certaine fierté que « la Sonara a aujourd’hui une capacité de production de 2,1 millions de tonnes de traitement de brut, ce qui donne globalement 1,8 à 1,9 millions de tonnes de produits finis (gasoil, super, pétrole lampant, butane et jet. Ndlr) ». Le reste étant écoulé sur le marché international dont la Sonara n’honore que 40% des commandes, d’où la volonté d’extension et de modernisation affichée par les responsables. Or, poursuit Charles Metouck, « le Cameroun consomme 1,2 millions de tonnes de produits. Donc, quand la raffinerie tourne, le Cameroun ne peut pas être confronté au problème de pénurie ».
En réalité, l’entreprise importe l’essentiel du brut destiné au raffinage (la Sonara ne traite que environ 16 % de Kole et Ebome, les bruts camerounais considérés comme lourd donc, inadaptés aux équipements actuels) n’est pas à l’abri d’un arrêt. Elle doit acheter rubis sur ongles du brut léger au Nigeria ou en Guinée Equatoriale. Pour cela, il lui faut des moyens. En 2010 par exemple, elle en a acheté pour environ 640 milliards de francs CFA de brut. Ce qui signifie qu’il lui faut être toujours crédible et solvable pour pouvoir aller auprès des banques et être capable de s’approvisionner en matière première. Or, en ce moment, l’Etat qui a choisi de bloquer les prix à la pompe, pour éviter les désagréments aux populations, doit, du fait de cette politique, de l’argent à la Sonara. Une enveloppe d’environ 200 milliards de francs CFA que la Sonara n’arrive pas, en dépit des instructions du Premier ministre, chef du gouvernement, à recouvrer sous forme de traites régulières à défaut d’être mensuelles. Une situation à même de mettre en péril la survie de l’entreprise dont les Camerounais doivent pourtant en être fiers. Car la Sonara, c’est quand même, 700 milliards de francs CFA de chiffre d’affaires (2010), ce sont des prix et une qualité des produits compétitifs, c’est 98 % du taux de fiabilité. Une raffinerie classée au premier rang, en tout cas, la première de toute la zone Cemac.
Simon Meyanga