La victoire de François Hollande comporte une morale comme dans les
fables de La Fontaine : il faut se méfier des apparences. Surtout en
politique.
L’écart entre les deux protagonistes, le calendrier électoral, l’ampleur ainsi que l’urgence des dossiers font dire à tous les observateurs que le vainqueur n’aura pas d’état de grâce. Du côté des socialistes, les mots qui reviennent le plus sont : gravité, responsabilité. Soit. Mais que l’on ne nous fasse pas croire un seul instant que François Hollande ne s’est pas arrêté un moment depuis dimanche pour jeter un regard en arrière et s’exclamer , comme Mitterrand : « quelle histoire » !Oui, quelle histoire ! Lorsqu’en janvier 2011 il annonce depuis Tulle sa candidature aux primaires socialistes personne ne prend au sérieux l’ancien premier secrétaire du parti socialiste. Nombreux sont ceux qui pensent qu’il a laissé passer sa chance, son tour et son destin en 2007 au profit de Ségolène Royal, la mère de ses quatre enfants. La primaire socialiste s’annonce rude face à un Dominique Strauss Kahn favori des sondages. Hollande n’en a cure. Il dit à qui veut l’entendre qu’il est sûr de l’emporter même devant DSK. Ses adversaires socialistes le regardent avec mépris et condescendance. Comment lui, le « mou », « l’adepte de la synthèse », « la fraise des bois », « flanby », peut-il clamer urbi et orbi qu’il va gagner des élections internes au parti ? Premier rebondissement : en mai 2011, l’affaire DSK éclate à New York. Le favori des sondages est hors course et hors jeu. Mais la voie n’est pas libre pour autant. Plusieurs haies restent à franchir : Ségolène, Aubry, Valls, Montebourg. Plus le processus avance et séduit le militants et les Français, plus Hollande consolide son avance. Le 16 octobre 2011, il devance très nettement Martine Aubry au second tour. Le regard des français sur celui qui se présente comme l’héritier de François Mitterrand a-t-il changé à ce moment-là ? Probablement. En dépit des sarcasmes et des moqueries, lui croit de plus en plus en ses chances. Comme Mitterrand en 1981, il semble être habité par une « force tranquille ». « Hollande président ? On rêve ! » s’était exclamé Laurent Fabius. Hollande pense justement que le rêve présidentiel est possible.Le rejet ou le projetLa droite tombe dans le même piège du mépris à son endroit. Sarkozy, qui préférait croiser AUBRY, reprend à son compte toutes les expressions dont les socialistes ont affublé leur camarade. Ils en rajoutent : anguille, habile, etc. Pourtant, depuis plusieurs mois les sondages donnent le président sortant battu face à tous les prétendants sérieux de la gauche. Le péché d’orgueil, de vanité et d’outrecuidance consiste à croire que la seule stature et l’expérience internationales de Nicolas Sarkozy suffiront pour venir à bout de François Hollande qui n’a « jamais été ministre ». La droite mise sur le « flou » et « l’ambiguïté » du projet du candidat socialiste. Elle feint d’oublier que la personne et le bilan de Sarkozy suscitent un rejet beaucoup plus fort. Le projet de l’un ou le rejet de l’autre ? Vote d’adhésion ou vote sanction ? Plébiscite pour Hollande ou référendum contre Sarkozy ? Ces derniers mois le camp présidentiel a bien cru que la combativité, la ténacité et la pugnacité de leur champion pouvaient lui permettre de refaire son retard et même de devancer son concurrent. Toute son énergie n’a pas suffi à « renverser la table ». Au cours du débat où il prétendait « exploser » Hollande, il n’a pas convaincu. L’orientation droitière donnée à sa campagne ainsi que la défiance des autres candidats à son égard l’ont affaibli au lieu de le renforcer. Pour mémoire, aucun autre candidat présent au premier tour n’a appelé à voter pour lui. Le coup de pied de l’âne est venu de François Bayrou le leader du MODEM, ancêtre de l’UDF et allié traditionnel de la droite, qui a appelé à voter « à titre personnel » pour François Hollande. C’en était trop pour Sarkozy. La chronique d’une défaite longtemps annoncée n’était plus seulement une éventualité ou une virtualité. Elle est devenue réalité le dimanche 6 mai à 20 heures. Si les records sont faits pour être battus, Sarkozy a battu celui de Valery Giscard D’Estaing, la durée en moins : il n’aura fait qu’un mandat de cinq ans.Voici donc Hollande président. Pour de vrai. Lui Président ! Le candidat normal a fini par l’emporter non pas à la surprise générale, mais au grand dam de certains. La tâche qui l’attend est énorme. Les défis sont nombreux. Il a demandé qu’ on le juge sur deux engagements : la justice et la jeunesse.Et l’Afrique dans tout ça ? Elle n’a pas été présente dans les débats durant la campagne même si les problèmes d’immigration ont opposé les deux candidats finalistes. Les Africains vivant en France ont voté en majorité Hollande. Ils espèrent avec lui plus de souplesse dans le traitement des dossiers voire une régularisation massive des sans-papiers. Mais il ne faut pas rêver : la Corrèze passera toujours avant le Zambèze.
Christophe Mien Zok, envoyé spécial
Christophe MIEN ZOK