A travers les médias, les militants du RDPC, les Camerounais et les
internautes du monde entier ont assisté, éberlués, à la naissance d’un
écrivain camerounais qui rivalise d’inspiration et de ténacité avec les
célébrissimes romanciers épistolaires français : Pierre Choderlos de
Laclos (« Les liaisons dangereuses », 1782),
Jean-Jacques Rousseau « Julie ou la Nouvelle Héloïse ». 1761) ou encore Madame Marie De Rabutin-Chantal, Marquise de Sévigné (qui écrivit des « lettres » à sa fille, Mme Rabutin-Chantal de Grignan, pendant 30 ans, au 17è siècle). Naturellement, chaque écrivain a son style (« le style, c’est l’homme», nous apprend Georges-Louis Leclerc, comte de Buffon). Autant celui des prosateurs ci-dessus cités est limpide, fluide et étincelant, autant la prose épistolaire du camarade Marafa Hamidou Yaya est rigide, sèche, voire arithmétique. Normal : l’ex-ministre d’Etat, ministre de l’administration territoriale s’inscrit, non dans le registre de la tendresse et de l’amour comme Rousseau, Laclos ou Mme de Sévigné, mais dans la logique du désamour, de la « terreur amoureuse » (dirait Shakespeare) ou du conflit politique que décrit si bien Maurice Duverger, éminent professeur de sociologie politique : « le combat politique se déroule sur deux plans : d’un côté entre des hommes, des groupes et des classes qui luttent pour conquérir, partager ou influencer le pouvoir ; de l’autre, entre le pouvoir qui commande et les citoyens qui lui résistent ». (Introduction à la politique, p.27). Bien que le Président Paul Biya conduise une politique de rassemblement, de concorde et de démocratie apaisée, il semble que d’aucuns préfèrent une politique conflictuelle et haineuse. Ils n’hésitent pas à tenir la dragée haute au Président de la République, quitte à transgresser le devoir de réserve qui est un sacro-saint principe du droit administratif et à vitupérer (comme M. Marafa) celui qui, discrétionnairement, l’a politiquement hissé au firmament, il y a 20 ans (1992. Secrétaire d’Etat aux finances). Mais, cette attitude atypique ne nous surprend guère, l’Histoire étant parsemée de ces reniements aussi loufoques que machiavéliques et spectaculaires.Au niveau du Secrétariat à la communication du RDPC, nous procédons à l’autopsie de la littérature épistolaire du camarade Marafa, à l’aune de trois articulations.Discipline du PartiLe camarade Marafa Hamidou Yaya est membre du RDPC, du Comité Central et du Bureau Politique. Jusqu’à preuve du contraire, nous le considérons comme l’un des nôtres, à part entière. Toutefois, si, « de jure », il appartient au RDPC, « de facto », il semble avoir pris ses distances (c’est un euphémisme) avec le RDPC dont il est membre du Bureau politique depuis près de deux décennies et, à ce titre, il est chargé d’assister le Président National du RDPC (S.E. Paul BIYA) dans la conduite des affaires du Parti en dehors des réunions du Comité Central (article 26, alinéa 1 des Statuts). En présentant aux Camerounais son projet de société, il se démarque du RDPC (pour lequel il a battu campagne pendant de longues années) car ce Parti soutient la politique définie par le Président de la République, Président National du RDPC. Je rappelle que le camarade Marafa a toujours approuvé les résolutions de politique générale, de politique économique et financière et de politique sociale et culturelle inhérentes aux différents congrès ordinaires et extraordinaires du RDPC depuis une vingtaine d’années, y compris le Congrès ordinaire de 2011 dont il était l’un des membres de la commission de politique générale. Stricto sensu, « la qualité de membre du RDPC se perd soit par démission, soit par exclusion » (article 9 des Statuts). Je ne sache pas que l’une ou l’autre hypothèse soit validée. Toutefois, le fait, pour un membre du RDPC, de présenter aux Camerounais un projet de société autre que celui du Président National induit, implicitement, que ce camarade déroge sciemment aux dispositions pertinentes de l’article 31 des Statuts. Cela signifie qu’il en tire, lui-même, les conséquences. Le principe aristotélicien du tiers-exclu nous apprend que nul ne saurait « être et ne pas être ».La politique de la NationL’article 5 de la Constitution stipule que « le Président de la République définit la politique de la Nation ». Au RDPC, nous constatons que pendant près de vingt ans (Secrétaire d’Etat aux finances, Conseiller spécial du Chef de l’Etat, Ministre d’Etat Secrétaire général de la Présidence de la République, ministre d’Etat, ministre de l’administration territoriale et de la décentralisation où il fut en fonction pendant dix ans : 2002 – 2012, président du Conseil d’administration du FEICOM), le camarade Marafa a toujours scrupuleusement appliqué la politique définie par le Président de la République, sans que la moindre disjonction politique ne soit rendue publique entre celui qui l’a nommé par décret cinq fois à des postes on ne peut plus sensibles et lui-même.Un décodage textuel de ses « lettres» nous permet de déduire qu’il ne soutient plus cette politique. Mieux, il est porteur d’un projet présidentiel autonome. Qui pis est, il couvre d’opprobre son ancien mentor et promet, selon certaines indiscrétions, de « déféquer » (excuser la métaphore rabelaisienne) encore davantage sur celui qui le nomma ministre d’Etat et le coopta, à 44 ans, au Bureau politique du Parti proche du pouvoir. C’est son droit le plus élémentaire, le Cameroun étant un Etat de droit, une démocratie plurielle et un pays où « il n’est plus besoin de prendre le maquis pour exprimer ses idées », (dixit Paul BIYA à Bamenda, le 22 mars 1985). Au demeurant, le Chef de l’Etat est un apôtre inoxydable du libre débat d’idées : « Je suis convaincu de ce que la construction du Cameroun moderne exige non seulement la participation active de tous les enfants de mon pays, mais encore et surtout une nouvelle organisation de la vie commune qui repose sur le débat permanent dans la libre confrontation des idées » (Pour le libéralisme communautaire, p. 152).Mais, le bât blesse à trois niveaux : d’abord la diversion ( je ne dis pas la « subversion », un concept que, fort heureusement, le Renouveau a proscrit du lexique politique camerounais et qui, en d’autres temps, sema la terreur dans de nombreuses familles camerounaises). Le camarade Marafa est attendu sur le terrain judiciaire (au tribunal) ; mais, il s’illustre sur le champ politique, ses contempteurs diraient « politicien » en présentant à l’opinion publique mondiale sa version des faits. C’est un plaidoyer pro-domo, qui, comme chacun le sait (lui-même y compris) peut, à l’instar de tous les plaidoyers pro-domo, se situer à des années-lumière de la vérité ; ensuite le divertissement (j’emprunte ce terme à Blaise Pascal qui, dans Les Pensées, 1670, fustige l’attitude. de l’Homme : incapable de regarder la réalité en face, il cherche un exutoire où il peut s’auto-sublimer). C’est une démarche tout à fait psychanalysable, la sublimation étant un reflet du « ça » ; enfin, le manichéisme : le Chef de l’Etat est peint sur un registre dantesque voire ubuesque (Ubu Roi), lors même que l’image connue et reconnue de S.E. Paul BIYA est celle d’un homme d’Etat pondéré, sage, perspicace, patriote, démocrate. Pensons aux trésors de diplomatie, de finesse, de patience qu’il a dû déployer pour affirmer la camerounité de la presqu’île de Bakassi. Et quid de l’image du camarade Marafa ? Selon lui-même, elle est angélique (loyauté, intégrité, engagement, fidélité, rejet de la courtisanerie et de la duplicité, conseils pertinents et perspicaces au Prince). Voire !Le terrain judiciaireC’est sur ces eaux véridiques que le peuple camerounais attend, maintenant, le camarade Marafa (et non sur de prétendues « révélations fracassantes » ou sur un narcissisme autopurificateur). A ce sujet, il ne serait pas incongru de rappeler les dispositions de la Constitution : « La Justice est rendue sur le territoire de la République au nom du peuple camerounais » (article 37). Au lieu de jeter l’anathème sur le Chef de l’Etat qui est « le garant de l’indépendance du pouvoir judiciaire » (article 37 de la Constitution) et non le castrateur des ambitions présidentielles de certains Camerounais (peut-on dire, pour prendre un échantillon aléatoire, que Dieudonné Angoula, Gilles Roger Belinga, Joseph Edou, Siyam Siwé, Mme Haman Adama etc. voulaient devenir Président de la République ? Garga Haman, Haméni Bieleu, J.J. Ekindi, et John Fru Ndi sont-ils en prison ? ), le camarade Marafa devrait plutôt préparer avec méthode et rigueur son argumentaire devant la Cour, où il y aura des débats publics et contradictoires, à moins que ses avocats que nous supposons pugnaces et sagaces, ne l’aient déjà fait. C’est au tribunal que l’on « dit le droit » et non sur Internet. Quelle est la problématique ? Convaincre le juge, le moment venu, qu’il doit partir du statut de « prévenu » (qui est le sien actuellement) à celui d’innocent (non coupable), car il bénéficie toujours de la présomption d’innocence que lui reconnait la Loi.Gloser sur les intentions d’Hérode qu’aurait le président de la République, « les insuffisances du code électoral » qu’il appliqua sans sourciller officiellement (avant sa modernisation en 2012) quand il était ministre d’Etat, ministre de l’administration territoriale et de la décentralisation, les entretiens privés avec le chef de l’Etat, les avis et conseils dont il crédita le Président de la République quand il occupait de hautes fonctions ministérielles (l’avis d’un citoyen, fût-il ministre d’Etat et membre du Bureau Politique, n’engage guère le peuple camerounais qui, seul, peut, souverainement et démocratiquement, par les urnes, décider du maintien ou non, à ses fonctions régaliennes, du Président de la République). Les « lettres » du camarade Marafa participent de ce que René Descartes appelle « une opinion » (essentiellement relative, voire subjective) et non pas, nécessairement, « la vérité ». Celle-ci requiert les pré-requis méthodologiques suivants : observation, hypothèse, vérification, loi. Seul le pouvoir judiciaire est habilité à transformer une opinion (plaidoyer pro-domo, plaidoirie d’un avocat, articles décapants des médias, tracts subrepticement placardés ou jetés dans la rue pour que le prévenu soit « libéré » etc.) en une vérité, un mensonge ou une demi-vérité. Et la décision de la Cour a une valeur apodictique (encore que les voies de recours soient possibles, grâce à la procédure de l’appel). Ce n’est pas à un Ingénieur pétrochimiste de haut vol que je l’apprendrais, car il s’agit-là, des fondements irréfragables de la démarche scientifique explicités par Gaston Bachelard. En définitive, nous attendons (sans passion, rancune, rancœur ni haine) ce que dira la Justice. La séparation des pouvoirs que recommande Charles de Secondat, baron de La Brèche et de Montesquieu dans L’Esprit des lois (1748) nous amène à rappeler que le Président Paul BIYA ne dit pas le droit, en sa qualité de chef du pouvoir exécutif. Cette prérogative appartient au pouvoir judiciaire qui rend la justice, au nom du peuple camerounais, en toute indépendance.
Pr Jacques Fame Ndongo, Secrétaire à la communication du Comité central du RDPC