Le marché de Mokolo ouvre à nouveau ses portes et ses boutiques au public demain jeudi après une dizaine de jours de fermeture suite aux graves incidents qui y sont survenus le 26 juin.
Ce jour-là de violentes manifestations opposaient les forces de l’ordre et des commerçants du secteur informel plus connus sous le vocable de « vendeurs à la sauvette », ou sauveteurs. Bilan des échauffourées : de nombreux dégâts matériels et un mort sur le carreau. La pomme de discorde est vieille comme celle d’Adam : le désordre et l’anarchie que veulent installer voire imposer les membres de ce secteur d’activités, au nom de la débrouillardise. Depuis plus de deux décennies, le commerce ambulant est devenu une plaie béante, une tâche hideuse de notre paysage urbain.Chaque tentative de réglementer le secteur ou d’y faire régner l’ordre s’est toujours soldé par un échec retentissant. Chaque fois le chœur des bien-pensants, les défenseurs de « la veuve et de l’orphelin » ont poussé de grand cris d’orfraie sur fond de manipulations tribales et politiques. Et les pouvoirs publics ont régulièrement cédé face à la pression et au chantage. Mais plus le temps passait, plus les racines du mal s’enfonçaient dans le sol rendu fertile par toutes sortes d’engrais, en l’occurrence le chômage des jeunes. L’inertie, la corruption et la concussion ont fait le reste. Ces marchés étaient devenus des no man’s land ou quelques caïds faisaient régner la loi de la jungle, sous le regard impuissant ou avec la complicité des forces de maintien de l’ordre. Mokolo, à l’instar de plusieurs autres plateformes commerciales, avait tendance à se transformer en une poudrière prête à exploser à la moindre étincelle. Les citoyens, les citadins et les riverains s’y rendaient la peur au ventre. Leur frayeur était d’autant plus grande qu’une autre menace se développait à très grande vitesse à proximité de ces marchés : la prolifération des motos-taxis. Une autre bombe à retardement.Malgré d’importants investissements réalisés ces derniers années dans la plupart de nos villes pour la construction de bâtiments et hangars de marché conformes aux normes, certaines catégories de commerçants semblent les bouder. Ils préfèrent étaler leurs marchandises, y compris les vivres frais, à même la chaussée et au bord de la route. Le résultat de ce cocktail détonnant est connu : embouteillages interminables et indescriptibles, vol à la tire…Les incidents du 16 juin ayant agi comme une énième sonnette d’alarme, les pouvoirs publics, la communauté urbaine de Yaoundé en particulier, ont décidé de sévir. La première étape de la démarche a consisté à fermer le marché pendant un peu plus d’une semaine. Malgré les protestations des commerçants et des usagers, la décision a été maintenue. La deuxième étape a porté sur l’organisation du marché en plusieurs secteurs qui seront coiffés par des responsables élus. A en juger par les échos et les images en provenance de la Communauté urbaine de Yaoundé, l’initiative suscite un réel engouement. Le dialogue et la démocratie semblent être des armes efficaces. Cela augure-t-il d’un avenir meilleur et apaisé ? Les vieux démons ne resurgiront-ils pas de leur boîte au moindre incident ? On peut croiser les doigts et se mettre à espérer. L’espoir se fonde sur une hypothèse de simple bon sens : si toutes les parties prenantes ont compris que le règne de l’ordre est leur meilleur allié, alors l’accalmie sera de longue durée. Si les adeptes du chaos et de l’anarchie, sentant leurs intérêts menacés, s’activent à nouveau pour instaurer le désordre, le répit sera de courte durée.Quoiqu’il en soit, la gestion de la crise du marché de Mokolo montre clairement que les pouvoirs publics n’ont pas intérêt à tolérer le désordre ou l’anarchie. Ces deux fléaux conduisent inexorablement au chaos et au néant. Au Cameroun, l’inertie, les tergiversations et les hésitations des pouvoirs publics ont créé des monstres sociaux qu’il sera difficile d’anéantir. Le constat est valable pour ce qui est des plateformes commerciales ; il l’est également dans de nombreux secteurs d’activités : la communication où la tolérance administrative et le déficit de régulation produisent les effets néfastes que tout le monde déplore, les transports où les motos-taxis et les « opep » dictent leur loi, la santé où les médicaments de la rue et les centres de santé informels tiennent le haut du pavé, etc.Entre l’ordre et le chaos, le respect de la règlementation et l’anarchie, le choix est vite fait. Ceux qui se réfugient derrière des arguties comme la débrouillardise pour justifier l’anarchie entretenue dans certains secteurs d’activités se trompent. Lorsque le chaos s’installe, tout le monde disparait, y compris les débrouillards.
Christophe MIEN ZOK