Le nouveau directeur général hérite d’une compagnie avec un niveau d’endettement « abyssal». Pourtant, la compagnie dont il assure désormais la direction est appelée, dans des délais raisonnables, à s’émanciper des subventions de l’Etat.
Le Neerlandais Matthijs Johannes Boertien réussira-t-il là où son compatriote de prédécesseur Alex Van Elk a lamentablement échoué ? C’est en tout cas tout le mal que de nombreux camerounais, qui voient en cette compagnie un véritable objet de fierté souhaitent au nouveau directeur général de la compagnie nationale aérienne camerounaise, nommé le 3 janvier et installé dans ses fonctions le mardi 8 janvier 2013 par le ministre camerounais des Transports, Robert Nkili.Outre la réduction de « l’endettement abyssal» de cette compagnie, il a été prescrit au nouveau Dg de mettre fin aux « dépenses de prestige », de revoir des contrats, notamment ceux passés avec les partenaires commerciaux et techniques de la structure et de ramener la confiance aussi bien au sein de l’entreprise qu’entre la compagnie et ses clients.L’on se souvient en effet que lors de la session budgétaire à l’Assemblée nationale en novembre 2012, le ministre des Transports, interrogé sur les difficultés que traverse Camair-Co, avait indiqué que seulement vis-à-vis de l’Agence pour la sécurité et la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar (Asecna), Camair-Co était endettée à hauteur de 600 millions de FCFA. Comme si cela ne suffisait pas, le même mois, la compagnie nationale aérienne camerounaise lancée le 28 mars 2011 avait été exclue de la chambre de compensation pour non respect des engagements vis-à-vis de ses partenaires. Les députés de la commission des finances indiquaient alors que «la politique managériale et commerciale approximative [pratiquée au sein de l’entreprise] ne permet ni d’assurer un taux de remplissage acceptable des avions encore moins une réduction des charges d’exploitation».Même les quatre milliards de perfusion spéciale accordée par le président de la République n’ont pu combler ce gouffre. Et pour cause, selon le cabinet Okalla Ahanda, Camair-Co était dans une situation préoccupante depuis des mois. Le rapport d’audit du commissariat aux comptes a par exemple révélé que pour ce qui est des exercices 2011 et 2012, le directeur général naviguait à vue, en l’absence d’un budget dument adopté par le conseil d’administration. Ce qui a, souligne le rapport, donné la latitude à Alex Van Elk de s’affranchir des contraintes liées au respect des normes budgétaires. Les contrôles budgétaire et de gestion sont inopérants dans cette entreprise, a également indiqué le rapport, qui relève que la vente des billets d’avions s’est avérée catastrophique pour la compagnie qui, sur un chiffre d’affaires de 400 millions de FCFA, a supporté des charges de l’ordre de 220 millions de FCFA. En plus de cela, la subvention d’équilibre accordée par l’Etat à Camair-Co s’élève aujourd’hui à seulement 30 milliards de FCFA, tandis que les dépenses de l’entreprise s’établissent à 45 milliards de FCFA. A coté de cette situation préoccupante, les députés de la commission des finances observaient que la compagnie aérienne nationale faisait face à de nombreuses difficultés, à l’instar du différend qui l’oppose au partenaire technique allemand Lufthansa; ce qui a entraîné son expulsion de la chambre de compensation; les démissions en cascade du personnel d’encadrement et un endettement insoutenable. Pourtant, tout porte à croire que les pouvoirs publics sont allés chercher l’oiseau rare pour redresser la compagnie. Une présomption de compétence que les camerounais, à en croire le ministre des transports, veulent bien accorder au nouveau Dg, au vu de sa formation et de ses états de service. Le nouveau Dg n’est en plus pas inconnu dans la maison Camair-Co. Avant sa démission peu avant la fin du mois de juillet 2012, il occupait le poste de Chief Operations Officer. En fait, Boertien a toujours évolué dans l’aviation. Avec ses diplômes d’ingénierie électrique, de pilote et un Mba en management des compagnies aériennes, il a occupé plusieurs postes dans diverses compagnies. De 1985 à 2004, il fait ses classes à la compagnie Martiner Holland où il est tour à tour directeur technique et directeur des opérations. Entre 2004 et 2007, il est directeur général de la compagnie Dening Air Holding. Un an plus tard, il fonde la compagnie Amtersdam Airlines et de 2008 à 2010, il est consultant auprès de la compagnie Aircraft Finance and Trading. Avant d’être nommé Dg à Camair-Co, il est directeur d’exploitation dans la même structure entre 2010 et 2012. Une formation et un parcours qui font probablement de lui l’un des hommes qu’il fallait à cette place. En tout cas, la tâche de Matthijs Johannes Boertien ne sera pas du tout aisée, lui dont on attend de rentabiliser et crédibiliser la Camair-Co auprès de ses partenaires et amener les Camerounais à refaire confiance à leur compagnie.
Serge Williams Fotso