Le premier colloque international sur le droit de l’environnement en Afrique, qui se déroule à Abidjan en Côte d’Ivoire du 29 au 31 octobre 2013, s’articule autour du thème « Mécanismes institutionnels et financiers de mise en œuvre du droit de l’environnement en Afrique dans la perspective du développement durable ».
Les experts réunis depuis mardi à Abidjan n’auront pas le temps d’admirer la lagune à partir de l’hôtel Ivotel qui surplombe le Plateau. Encore moins les transformations opérées dans la capitale économique de la Côte d’Ivoire, depuis la fin de la crise en 2011.
Ils ont fort à faire, puisqu’ils doivent sortir de leurs travaux qui durent trois jours avec, à la clé, des solutions innovantes pour réformer la gouvernance mondiale, régionale et nationale de l’environnement. Car, comme l’a rappelé aux participants le ministre ivoirien de l’Environnement, de la Salubrité urbaine et du Développement durable Rémi Allah-Kouadio lors de la cérémonie d’ouverture, « Vous aurez à vous pencher sur des thématiques importantes au nombre desquelles on peut citer : la mise en œuvre du droit de l’environnement dans le contexte de crise économique ; les réformes institutionnelles nécessaires pour le renforcement de l’effectivité du droit de l’environnement en Afrique. »Pour planter le décor, Aimé Joseph Nianogo, directeur régional de l’UICN pour l’Afrique centrale et occidentale a voulu marquer les esprits. En prenant la parole, il a dressé un tableau sombre de la situation : « Selon la liste rouge de l’UICN, 25% des mammifères, 13% des oiseaux et 41% des amphibiens sont aujourd’hui menacés d’extinction ; et je n’évoque que ces groupes d’espèces, parce que pour les autres notre niveau de connaissance est encore insuffisant pour tirer des conclusions.
Pourquoi la biodiversité est-elle menacée ? S’il est certain que les populations d’espèces sont appelées à évoluer et que des facteurs comme le climat jouent en cela un rôle important, il est également évident que l’homme, de par ses besoins, de par sa façon de vivre, de produire et de consommer, de par ses activités (de construction d’infrastructures, d’extraction minière et énergétique notamment) y contribue énormément. » Pour le Prof. Antonio Herman Benjamin, Président de la Commission mondiale du droit de l’environnement de l’UICN « Le droit de l’environnement a certes fait d’importants progrès depuis les années 1970, sur les plans international, régional et national, mais d’après tous les indicateurs pertinents, l’environnement mondial a subi une forte dégradation ». Et de poursuivre : « Il est quelque peu rassurant de se dire que la situation pourrait être bien pire sans toutes les mesures de réglementation prises depuis 40 ans. Dans ce contexte, je suis convaincu qu’une partie du problème tient à ce que l’on appelle ‘’les lacunes de l’application’’». Sortie de criseDans cette perspective, le premier Colloque international sur le droit de l’environnement en Afrique a de grands défis à relever, pour combler ces lacunes de l’application des réglementations décriées par tout le monde. Pour beaucoup, il faut une synergie d’actions permettant de consolider les acquis et d’ouvrir de nouvelles pistes pour favoriser l’essor du droit de l’environnement. Les chercheurs, praticiens et acteurs du droit de l’environnement doivent à cet effet trouver des moyens pour un partage d’expériences servant de tremplin à la définition d’un agenda contraignant dans la quête de la pleine effectivité du droit de l’environnement.Parce que l’heure est grave, le colloque d’Abidjan ne veut pas tomber dans les ratés antérieurs, dont le plus retentissant est certainement le rendez-vous de Rio+20. Censé consacrer l’aboutissement de décennies marquées par la quête d’un monde plus respectueux de l’environnement, la conférence, selon la plupart des observateurs, a laissé un goût d’inachevé. La faiblesse du contenu de « L’avenir que nous voulons », document final de Rio+20, a été largement perçue comme le reflet de la crise que traverse le système de la « gouvernance mondiale de l’environnement », torpillée par les grandes puissances industrielles. Les maigres résultats obtenus à Rio+20 confirment le constat que les progrès du droit de l’environnement restent bien en-deçà des enjeux du développement durable.
Dans ce contexte peu favorable à de nouvelles avancées du droit de l’environnement, comment relancer la question de son application et de son évolution dans le continent africain ? A la suite de l’atelier d’échanges sur la mise en œuvre du droit de l’environnement en Afrique organisé conjointement par l’UICN et l’IFDD à Ouagadougou au Burkina Faso du 21 au 23 novembre 2011, un plan d’action a émergé en réponse au constat partagé de la faible effectivité du droit de l’environnement, qui demeure un défi de taille pour l’Afrique.
Ce plan d’action repose sur six axes : élaboration et application d’une stratégie africaine de mise en œuvre du droit de l’environnement ; publication d’une revue africaine de droit de l’environnement ; création d’un site internet dédié au droit de l’environnement en Afrique ; mise sur pied d’un Master en droit et politique de l’environnement en Afrique ; élaboration d’un programme régional africain de mise en œuvre du droit de l’environnement ; organisation de colloques internationaux sur la mise en œuvre du droit de l’environnement en Afrique. Sinon, peut-on s’interroger avec le Prof. Aimé J. Nianogo, directeur du bureau régional de l’UICN pour l’Afrique Centrale et de l’Occidentale, « A quoi servent les importants efforts des gouvernements et des législateurs pour mettre en place des législations environnementales adaptées, si par la suite ces instruments doivent rester sans effet parce que mal connus ou insuffisamment équipés (de textes d’application) ? Pour lui, « Ce colloque s’inscrit dans le cadre de l’engagement de l’UICN à faire du Droit de l’Environnement l’un des leviers de la gestion durable des ressources naturelles en Afrique ». Aux experts juristes de l’environnement, acteurs de la préservation de l’environnement, représentants d’institutions étatiques, de la recherche, des universités, des institutions africaines et internationales, des ONG, des collectivités locales, du secteur privé, etc. de mettre en place des synergies d’actions permettant de consolider les acquis et d’ouvrir de nouvelles pistes pour favoriser l’essor du droit de l’environnement.
Source : bureau régional pour l’Afrique centrale et occidentale de l’Uicn