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Daniel Evina Abe’e : « Nous sommes en osmose avec le président Biya »

L’Ambassadeur du Cameroun en Belgique et auprès de l’Union Européenne livre ses impressions à l’issue du 4ème sommet union européenne – Afrique. Il dit la satisfaction des Camerounais du Benelux d’avoir accueilli le président Paul Biya pour la première fois en Belgique.

L’Action : Excellence Monsieur l’Ambassadeur, le chef de l’Etat, S.E. Paul BIYA a pris part à Bruxelles en Belgique les 2 et 3 avril 2014 au 4ème Sommet Union Européenne-Afrique. Que peut-on retenir de ce Sommet ?
Daniel Evina Abe’e : Le Sommet avait pour thème « Investir dans les personnes, la prospérité et la paix ». Que retenons-nous de ces deux jours d’intenses activités ?
C’ést d’abord une déclaration des chefs d’Etat  et de Gouvernement qui a été adoptée. Celle-ci réaffirme l’engagement des deux parties vers un véritable partenariat. L’Afrique et l’Europe ont connu des mutations durant ces dernières années : l’Europe sort d’une période économique très difficile et pendant ce temps l’Afrique connaît depuis quelques années un taux de croissance de plus de 5%, ce qui la rend très attractive. Le Sommet a donc permis à l’Afrique et à l’Europe de réaffirmer ce partenariat en tenant compte des évolutions sus-évoquées de chaque partenaire.Ensuite, la feuille de route 2014-2017 a également été arrêtée avec des grands axes de coopération que sont la paix, la sécurité ; la bonne gouvernance, les droits de l’homme, le développement et la croissance durables…Les questions de paix et de sécurité sont récurrentes dans ces rencontres Afrique-Ue. Elles ont donc aussi été abordées, notamment avec un mini sommet sur la Rca où des mesures ont été annoncées pour arrêter le drame que vit ce pays voisin.Le chef de l’Etat, Son Excellence Paul Biya a fait deux importantes déclarations sur la paix et la sécurité et sur la situation en Rca, au cours de ces Assises. S’agissant de ce dernier point, il a notamment demandé à la Communauté internationale d’agir et de mettre fin à la guerre en Rca, car il en va de la stabilité des pays voisins, de la sous-région et de la paix en Afrique. Enfin, comme pour tous les sommets de ce genre, il y a eu des rencontres bilatérales qui ont permis aux dirigeants Africains et Européens d’échanger de vive voix sur les sujets communs d’actualité. Le Chef de l’Etat n’a pas dérogé à cette pratique et durant son séjour à Bruxelles, il a rencontré ses homologues africains et européens. Les médias nationaux et internationaux en ont d’ailleurs fait un large écho.
On a noté une forte mobilisation de la communauté camerounaise du Benelux, et même de certains pays voisins. Qu’est-ce qui, selon vous, justifie cet engouement ?
Faut-il le rappeler, le chef de l’Etat n’avait pas encore séjourné en Belgique jusque là. Vous pouvez donc imaginer la joie et la liesse au sein de l’Ambassade et de la diaspora à l’annonce de sa visite.  Les camerounais et les amis du Cameroun sont venus de partout à travers le Benelux et l’ont longuement acclamé à son arrivée malgré le cordon de sécurité mis en place par les Autorités belges. Il faut noter que d’autres chefs d’Etat séjournaient dans le même hôtel que le président Paul Biya. Je crois aussi que le contexte national, le climat de paix et les perspectives d’avenir en faveur de la jeunesse nées du lancement des grands projets structurants facilitent ce rapprochement.Au niveau politique, les camerounais de l’extérieur ont pu voter lors de la dernière élection présidentielle et je crois qu’à l’occasion du passage à Bruxelles du chef de l’Etat, ils ont voulu lui signifier leur satisfaction de vive voix.Enfin, au niveau de la Mission diplomatique, nous avons engagé depuis quelques années un dialogue avec nos compatriotes visant à resserrer les liens entre camerounais, leurs associations et l’ambassade. La présence massive des camerounais à l’arrivée du chef de l’Etat, lors d’un jour de travail, apparaît pour nous comme un signe d’osmose entre eux et les institutions camerounaises.
Pensez-vous que l’objectif principal de départ soit atteint, à savoir : « saisir les nouvelles opportunités de coopération et élargir les liens politiques, économiques, financiers et commerciaux entre l’Europe et l’Afrique » ? 
Pour avoir participé aux réunions préparatoires du sommet (hauts fonctionnaires – Ministres des Affaires Etrangères, etc.), je puis affirmer que l’objectif a été atteint. Au cours de ces rencontres préliminaires, les points de divergence ont été abordés, les échanges ont permis parfois de mieux nous comprendre et faire des avancées. Je ne saurais dire qu’un seul sommet puisse résoudre tous les problèmes. Je crois que le cap a été fixé. Comme je l’ai annoncé plus haut, l’Afrique est devenue plus attractive pour les investisseurs. Ces deux entités qui coopèrent depuis des dizaines d’années doivent tenir compte de cette évolution et surtout devenir de véritables partenaires qui privilégient la concertation. Il est de plus en plus difficile aujourd’hui  d’imposer unilatéralement ses vues. L’Afrique et l’Europe essaient d’harmoniser  leurs positions sur les sujets comme l’environnement, le changement climatique, la lutte contre pauvreté, etc. Les rencontres en marge du Sommet ont également, autant que faire se peut, facilité cette recherche de rapprochement des différentes positions.
Les discussions ont été houleuses, notamment quant il s’est agi de définir les priorités du partenariat pour les prochaines années, principalement dans le cadre du plan d’action 2014-2017. Etes-vous satisfait des résultats auxquels vous êtes parvenus ?
 Je ne pense pas que les débats ont été houleux. Comme je vous l’ai dit,  les réunions préparatoires du sommet, à savoir celle des hauts fonctionnaires,  des ministres  des affaires étrangères ou  même des experts, ont permis d’échanger les points de vues et d’aboutir à un consensus. Les axes fixés par la feuille de route comme la paix et la sécurité, la gouvernance, les droits de l’homme, le développement et la croissance durable sont des préoccupations partagées par l’Afrique et l’Europe.Maintenant, compte tenu de nos cultures et de nos coutumes, nous n’avons pas toujours les mêmes conceptions ou lectures de certaines pratiques. Mais en tant que partenaires, nous devons amener les uns et les autres à respecter ces différences.Au niveau économique par exemple, l’Afrique voudrait que ses programmes de développement, ses projets d’intégration ou ses politiques de développement conçus par elle-même soient respectés par le partenaire. Notre coopération devra tenir compte de ces plans mis en place par nos pays souvent après de longues concertations avec nos forces vives. Cette façon de voir les choses, prouvera, s’il en était encore besoin, que nous sommes de véritables partenaires.   
Lorsqu’on considère le thème général de ces Assises :« Investir dans les populations, la prospérité et la paix », l’on ne peut s’empêcher de penser au rôle que la diaspora devrait jouer dans le développement de son pays, en ce qui concerne l’émergence du Cameroun à l’horizon 2035. Les camerounais du Benelux se sentent-ils concernés par ce défi si cher au président de la République ?
Je voudrai, de par mon expérience et de ma proximité avec les camerounais de la diaspora vous dire combien ceux-ci ont à la fois soif d’informations vraies sur le Cameroun et sont disposés dans leur grande majorité à apporter leur contribution au projet du président de la République  de faire du Cameroun un pays émergent à l’horizon 2035.En 2011, j’ai organisé à Bruxelles dans la cadre des activités marquant la célébration du cinquantenaire de l’indépendance du Cameroun une rencontre avec la diaspora et le secrétaire général du  Minepat. Cette rencontre a permis de débattre des questions importantes telles que la vision du Cameroun et les perspectives pour la jeunesse. Une rencontre très courue à laquelle avaient participé pendant plus de 4 heures près de 300 compatriotes.Avec la création de la Division des camerounais de l’extérieur et la rencontre récente au Palais des Congrès entre le ministre des Relations extérieures, le ministre du Commerce et la diaspora camerounaise pour envisager la participation de la diaspora à l’important programme de mise en valeur de l’agriculture de seconde génération au Cameroun, on comprend que la diaspora est prête à contribuer à cette vision du Cameroun en devenir. Cette contribution qui ne s’arrête pas que dans la mise en valeur des projets industriels vise aussi le secteur de la santé avec des missions régulières des équipes de médecins camerounais, toutes spécialités confondues,  avec leurs collègues belges pour apporter leur concours à la formation dans nos universités et aux soins dans les hôpitaux de notre pays. D’autres compatriotes enseignants ou chercheurs dans différents domaines apportent aussi leur contribution dans la formation des ressources humaines compétentes à même de rendre possible le projet envisagé. Nous préparons d’ailleurs dans cet esprit une importante visite des recteurs de toutes les universités du Cameroun en Belgique. Ils rencontreront entre le 22 et le 25 avril prochain leurs homologues belges, les institutions européennes de financement du secteur de l’enseignement supérieur. Ils visiteront des laboratoires et rencontreront notre diaspora scientifique. Le travail de recensement est en cours de finalisation et d’après les dernières statistiques   en ma possession, nous avons déjà plus d’une centaine de compatriotes enregistrés qui ont pour unique préoccupation de voir dans quelle mesure ils peuvent mettre leur expertise au service de notre pays.   
 
Les négociations des Accords de Partenariat Economique (APE) destinés à libéraliser le commerce suivant les règles de l’OMC constituent actuellement la principale pomme de discorde entre l’UE et certains pays ACP. Le sommet de Bruxelles y a-t-il apporté un début de solution ?
Les négociations des Ape n’étaient pas inscrites comme point distinct de l’ordre du jour et il faut le reconnaitre, notre partenaire européen n’y tenait pas. Cependant, et notamment sur le sous-thème de la prospérité, on ne pouvait pas ne pas en parler et ce fut le cas lors des interventions des délégations africaines sur ce thème.Les négociations Ape engagées depuis 2000 devraient s’achever en décembre 2007. Seule la région Caraïbes a signé un Ape complet. Les autres régions, dont les régions africaines, n’y sont pas encore parvenues. Les avancées fluctuent d’une région à l’autre. Au niveau de la Cedeao par exemple, un accord avait été annoncé avant le sommet, mais ce ne fut pas confirmé, car un pays membre s’y serait opposé. Je puis donc affirmer qu’aucune avancée n’aurait été retenue, mais lors des rencontres bilatérales, le sujet a dû inévitablement être abordé.   
Que se passera-t-il pour le Cameroun si au 1er octobre 2014 date butoir fixée pour la fin de l’exonération des produits exportés vers l’UE, notre pays n’a pas conclu ces signatures ?
Le Cameroun qui a signé un Ape intérimaire, afin de permettre à notre pays de continuer à exporter dans les pays de l’Union européenne, milite toujours pour un Ape régional, qui concernera tous les pays de l’Afrique centrale, parties à cette composante négociante.Le 1er octobre 2014, les pays qui n’auront pas achevé ces négociations perdront évidemment les préférences dont ils bénéficient actuellement pour exporter en Europe. Notre pays devra donc prendre position par rapport à cette date. Les acteurs économiques et le gouvernement en sont conscients et une concertation sous la présidence du Minepat s’est tenue à Yaoundé en fin janvier 2014 et nous pensons que notre position devrait être exprimée avant cette date butoir. 

Interview réalisée par Serge Williams Fotso

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