Une certaine opinion annonce une apocalypse qui s’abattra sur l’économie camerounaise une fois que le pays aura ratifié ces accords, alors que les faits démontrent tout à fait le contraire.
Le président de la République, Paul Biya, a promulgué, le 18 juillet 2014, le projet de loi l’autorisant à ratifier l’accord d’étape vers un accord de partenariat économique entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d’une part et la partie Afrique centrale, d’autre part. Le Cameroun a finalement été obligé de faire cavalier seul, après avoir constaté que les autres pays de la sous-région trainaient un peu la patte, alors qu’on se rapprochait dangereusement de la date butoir. Depuis lors, des voix s’élèvent aux quatre coins du pays pour affirmer que «le Cameroun a plus à perdre qu’à gagner en signant ces accords». Selon elles, il nous serait difficile de faire face à des économies compétitives. Faux, rétorque le gouvernement, pour qui le Cameroun a plutôt tout à gagner dans ces accords. Selon le directeur général de l’Economie et de la planification et de la programmation des investissements au ministère de l’Economie, de la planification et de l’aménagement du Territoire, Dieudonné Bondoma Yokono, « le gouvernement camerounais a pris toutes les mesures pour que les implications de cet Ape puissent être capitalisées par les Camerounais, que le tissu industriel local puisse être accompagné, et que les populations soient protégées. Puisque dans le cadre de cet accord, les 20% des produits qui sont exclus concernent les biens de consommation courante, notamment les produits alimentaires ». Contrairement donc à ce qui se dit, le Cameroun tirerait de nombreux avantages à cet accord. Et pour cause.Suppression immédiate contre suppression progressiveLes Ape visent l’ouverture réciproque des marchés aux partenaires. Sauf que pendant que l’Union européenne s’engage à ouvrir immédiatement son marché à l’ensemble des produits du Cameroun dès que l’accord entrerait en vigueur, elle a accepté en échange une ouverture partielle et graduelle du marché camerounais. C’est-à-dire une suppression progressive des droits de douane sur les produits en provenance de l’Union européenne. Il y a quatre groupes au total, avec des échéances différentes, qui vont même au-delà de 10 ans à partir de la cinquième année de libéralisation. C’est donc tout bénef pour le Cameroun, de ce point de vue. Mise à niveau des entreprisesLa vulnérabilité et le défaut de compétitivité du tissu industriel dans la majorité des pays africains étant l’un des éléments fondamentaux de la réticence des pays ACP à conclure un APE avec l’Union européenne, l’UE avait consenti à soutenir le Cameroun dans sa marche vers les Ape. Grâce à un appui financier d’un montant total de 6,5 milliards de francs Cfa (10 millions d’euros), le gouvernement camerounais avait alors lancé le 8 novembre 2013 le Programme d’appui à l’amélioration de la compétitivité de l’économie camerounaise (Pacom), destiné à faire face aux besoins d’accompagnement dans la mise en œuvre de l’accord d’étape de l’Accord de Partenariat Economique (APE). Concrètement, le Pacom visait trois objectifs principaux, à savoir : la mise à niveau des petites et moyennes entreprises camerounaises du secteur productif industriel et agro-industriel ; le renforcement de la normalisation et de la qualité des produits camerounais ; la mise à la disposition des entreprises de compétences et de structures d’appui plus efficaces, notamment dans les filières ou secteurs prioritaires, de manière à ce qu’elles produisent des biens et services de qualité pour conquérir durablement les marchés. Ce qui laisse croire que le pays serait mieux préparé que l’avaient été le Mexique au moment de la signature de ce type d’accord avec les Etats unis d’Amérique. La Douane, pas plus mal que ça !Pour l’autre grande crainte que constitue le secteur des douanes, il semble qu’il n’y ait pas de bile à se faire non plus. Selon Dieudonné Bondoma Yokono en effet, le commerce extérieur avec l’Union européenne c’est autour de 43-45%desquels il faut exclure les 20% qui ne sont pas concernés par l’ouverture. Ce qui veut dire que qu’il ya 55 à 57% qui restent inchangés. Par conséquent, les pertes sont de l’ordre de 0,4 à 16% qui plus est, se font de manière graduelle. Ce qui veut dire que « ce n’est pas dès le 1er octobre 2014 que qu’on va assister à cette perte sèche au niveau des recettes douanières, parce que le démantèlement s’étend sur 15 ans ». Ce qui permet aux autorités camerounaises de prendre des réformes institutionnelles et fiscales nécessaires pour pouvoir compenser de manière progressive ces pertes enregistrées sur la durée du démantèlement.
Serge Williams Fotso