Depuis mardi 1er juillet 2014, les prix du super, du gasoil et du gaz domestique sont en hausse dans tous les points de vente du Cameroun. Cette mesure, plusieurs fois annoncée, mais toujours retardée par le gouvernement, s’accompagne d’un dispositif pour atténuer les effets sur les consommateurs.
Le communiqué signé de Louis Paul Motaze, le secrétaire général des services du Premier ministre, n’annonce pas que la mauvaise nouvelle aux consommateurs. La décision du gouvernement s’accompagne d’un dispositif à quatre axes, sensé faire passer la pilule. « En vue de préserver le pouvoir d’achat de nos populations et d’atténuer les effets de ce réajustement sur l’économie nationale, le gouvernement a, par ailleurs, décidé des mesures suivantes : maintien du prix du pétrole à 350 FCFA ; réduction de 50 % du montant de l’impôt libératoire, de la taxe de stationnement et de la taxe à l’essieu ; revalorisation des salaires des agents publics ; début immédiat des concertations paritaires en vue de la revalorisation du Smig », indique le communiqué.En réalité, ce « réajustement » était attendu depuis de nombreuses années. De nombreux économistes, ceux du Fonds monétaire international en tête, pressaient le Cameroun de revoir sa politique de subvention des prix des carburants et du gaz domestique jugée ruineuse pour les finances publiques et non adaptée aux cours des produits pétroliers sur le marché international. Et depuis 2011 en effet, plusieurs signaux avaient été envoyés aussi bien par ces économistes de Bretton Woods que les responsables camerounais. Le 5 décembre 2011, le directeur technique de la Caisse de stabilisation des prix des hydrocarbures (Csph), Boniface Ze, indiquait pour justifier la probable hausse des prix de ces produits que « Pour la seule année 2011, le gouvernement a dépensé un peu plus de 300 milliards FCFA pour permettre aux Camerounais d’accéder facilement aux produits pétroliers. La Société nationale de raffinerie vend ses produits à perte et ne compte que sur les subventions de l’Etat. L’Etat de son côté a des problèmes budgétaires. Au moment où je vous parle (décembre 2011, Ndlr), le gouvernement doit plus de 300 milliards FCFA à la Sonara qui est en difficulté et fonctionne déjà péniblement. De 2008 à 2011, l’Etat a par exemple dépensé près de 700 milliards FCFA dans le cadre de la subvention des produits pétroliers. Cet argent pourrait permette de construire l’axe lourd Douala-Yaoundé ou être investi dans un secteur structurant. » En juin 2012, alors qu’il était encore le secrétaire général du ministère des Finances, Jean Tchoffo abondait dans le même sens. Pour lui, les coûts des subventions aux carburants étaient énormes et auraient, à court terme, plombé notre économie. Il affirmait : « Cette année 2012, compte tenu de la flambée des prix du pétrole sur le marché international, on pourrait dépenser 400 milliards de FCFA. 400 milliards de FCFA, c’est quand même la moitié du budget d’investissement du Cameroun. Si vous continuez avec une telle politique vous allez forcément créer un effet d’éviction sur la réalisation des grands projets d’investissement. La question aujourd’hui est de savoir si on peut, à travers un meilleur ciblage des populations les plus nécessiteuses, maintenir ces subventions et progressivement relever les prix pour les consommateurs les plus nantis ?» Du 24 avril au 08 mai 2014, une mission du Fonds monétaire international, conduite par Mario de Zamaroczy, avait séjourné au Cameroun. A cette occasion elle avait une fois de plus attiré l’attention des autorités camerounaises sur la nécessité qu’il y avait à lever les subventions aux carburants. Leur argument : « Le Cameroun recherche les financements à l’extérieur pour nombre de ses projets structurants alors qu’il peut économiser directement en interne. »La situation était donc difficilement soutenable, ce d’autant que les bailleurs de fonds brandissaient les prix pratiqués dans les pays ayant le même niveau de développement que le Cameroun pour emmener les autorités à fléchir. En Côte d’Ivoire par exemple, depuis novembre 2013, le prix du litre de super est de 740 FCFA, le gasoil se vendant à 615 FCFA le litre. Ressources additionnellesLa mesure du 30 juin 2014 a l’avantage de permettre au gouvernement de desserrer l’étau dans lequel il était pris, mais surtout de permettre à une société comme la Sonara d’éviter le naufrage programmé. La société va en effet arrêter de tourner à perte, elle qui achetait le pétrole cher, le raffinait et le mettait à la disposition des marqueteurs à des prix défiant les lois du marché. Mais à côté de la Sonara, ce sont surtout les populations qui vont en sortir bénéficiaires dans le long terme. Le gouvernement prévoit en effet de financer de nombreux projets de développement. On sait que les problèmes d’accès à l’eau potable, à l’électricité, aux soins de santé, à l’éducation et même à l’emploi se posent toujours avec acuité. Le réajustement des prix n’est donc pas forcément une mauvaise nouvelle.
William Pascal Balla