Tentative de diversion ou véritable malaise au sein de la profession ? Depuis quelques semaines, la presse camerounaise rue dans les brancards à la moindre occasion.
Quand elle ne rejette pas avec véhémence toute tentative, supposée ou réelle, d’ingérence ou d’intrusion « étrangères » à l’exercice de sa profession, elle se plaint de harcèlement judiciaire, d’intimidation et de musèlement de la part des pouvoirs publics et de certaines autorités. Les derniers cas en date concernent l’interpellation, l’incarcération (suivie de leur libération) de quelques hommes de médias et la convocation de certains autres devant les tribunaux. La réaction ne s’est pas fait attendre : la société civile et des organes de presse ont tôt fait d’emboucher les trompettes de la dénonciation et les clairons de la condamnation.L’émotion ainsi exprimée est légitime car la liberté de la presse reste un acquis fondamental sous le Renouveau de Paul Biya. En effet, sur les chemins de la liberté de presse et d’expression, le Cameroun a réalisé des avancées unanimement connues, reconnues et saluées, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Cet acquis est désormais non négociable et irréversible. Toute atteinte à la liberté de presse est inadmissible. Mais comme rien n’est définitivement acquis, des incidents mineurs, marginaux et épisodiques peuvent donner l’impression d’un retour des vieux démons. Il n’en est pourtant rien. Par conséquent, on ne saurait véritablement reprocher aux journalistes et à leurs défenseurs de donner de la voix chaque fois qu’ils estiment qu’une menace plane au-dessus de leurs têtes. Personne ne pourrait leur interdire de faire preuve de vigilance pour défendre les intérêts de leur corporation même s’ils sombrent souvent, pour cela, dans l’exagération, la manipulation, l’instrumentalisation et la désinformation. A bien des égards, les journalistes et la société civile ont raison de crier au loup.Toutefois, le vrai procès de la presse camerounaise ne se fera pas devant les tribunaux, mais à l’intérieur même de la corporation. Cette bataille s’annonce difficile tant les journalistes semblent allergiques et réfractaires à toute tentative d’assainissement et de remise en ordre. Il n’y a qu’à en juger par l’accueil réservé aux « sanctions » du Conseil National de la Communication (CNC) à l’encontre de certains organes de presse et de leurs collaborateurs, convaincus de violations de la déontologie professionnelle. La plupart de ces décisions sont pourtant fondées, au regard des manquements à l’éthique professionnelle et des dérives constatées dans l’exercice de ce noble métier. Mais les hommes et les femmes de médias manquent cruellement de modestie et d’humilité pour reconnaître leurs erreurs, encore moins leurs fautes et leurs errements.Tellement occupés à chercher et à regarder la paille dans les yeux de la société, ils en sont arrivés à oublier la poutre protubérante figée dans leurs propres yeux. A longueur de colonnes et sur les ondes, ils établissent allègrement ou reprennent avec légèreté des classements fantaisistes. C’est vrai que dans le mot journaliste, il y a listes, mais pourquoi n’établissent-ils pas eux-mêmes les listes des bons, des mauvais ou des faux journalistes ? Un peu d’autocritique ne ferait pas de mal à une profession qui s’est arrogée le droit de porter un jugement sans appel sur tout le monde, mais qui n’accepte pas la moindre critique. La puissance des mots, le magistère de la parole, quelle que soit leur magie sur le public et sur les masses, ne confèrent aucune impunité encore moins une immunité. La liberté de presse est un droit, mais elle doit s’accompagner de la responsabilité sans laquelle la société sombre dans l’anarchie. Le voilà, le vrai défi : il s’appelle crédibilité.Le véritable danger de la presse camerounaise ne vient pas des pouvoirs publics, garants des libertés individuelles et collectives, mais de ses propres rangs et de la tolérance, de l’insouciance et de l’inconscience qui y ont élu domicile. Faute de s’attaquer à ces causes profondes qui, ajoutées à d’autres à l’instar de la précarité, fragilisent la profession, les journalistes camerounais auront du mal à reconquérir leur public. L’honneur de la profession est loin d’autre sauf si elle sert de refuge à des mercenaires et à des flibustiers qui excellent dans le chantage et dans l’atteinte à l’honneur et à la dignité d’autrui. En définitive, si la presse camerounaise veut que sa liberté soit respectée, qu’elle respecte à son tour la liberté de tous et l’honneur de chacun. Ne faites pas aux autres ce que vous ne voulez pas qu’on vous fasse…Sans polémique. CMZ
Par Christophe Mien Zok