Les deux pays sont sur le point d’ouvrir une autre page de leur coopération. La nouvelle alliance sera centrée sur le renforcement de la sécurité commune mise à mal par Boko Haram et la préservation des acquis.
Dans les prochains jours, Muhamed Buhari, le président de la République fédérale du Nigeria en poste depuis le 29 mai 2015, foulera pour la première fois depuis son élection, le sol camerounais. Ce sera dans le cadre d’une visite officielle dont les contours et le programme, arrêtés par voie diplomatique, seront communiqués incessamment. Mais quoi qu’il en soit, cette visite qui va être marquée par une rencontre au sommet avec le président camerounais Paul Biya, est appelée à entrer dans l’histoire des relations entre les deux pays, en même temps qu’elle devrait s’avérer déterminante sur le plan multilatéral, s’agissant notamment de la nouvelle impulsion que l’on est en droit d’attendre dans la lutte contre le terrorisme.
Au plan bilatéral, l’arrivée de Muhamed Buhari devrait contribuer à rassurer sur la préservation des acquis de la relation camerouno-nigériane qui pour certains, semble avoir tiédi avec le déclenchement de l’insurrection de Boko Haram. Pareil en ce qui concerne l’affaire de la frontière terrestre et maritime qui opposa les deux Etats, notamment sur la presqu’ile de Bakassi. Au moment où des voix s’élèvent à nouveau parmi les nationalistes nigérians, comme c’est le cas chaque fois que ce pays change de régime, pour inciter à la dénonciation de l’accord de Green Tree et donc à une nouvelle annexion des zones frontalières rétrocédées par la cour internationale de justice (CIJ) au Cameroun dans le règlement de ce litige, il est attendu du président du Nigeria qu’il réaffirme à Yaoundé l’intangibilité de cet accord. La position de Muhamed Buhari sur cette question est très attendue dans la capitale camerounaise où l’opinion publique, particulièrement sensible sur tout ce qui touche à l’intégrité territoriale du pays, a tendance à faire le rapprochement entre les nostalgiques de l’époque de l’occupation nigériane de Bakassi et l’entourage immédiat du nouveau patron d’Abuja.
Retombées économiques et sécuritaires
Il s’agira également pour le Cameroun et le Nigeria, de densifier leur coopération économique pour faire de l’axe Abuja-Yaoundé, un nouveau pôle de prospérité en Afrique. Les deux pays y ont intérêt : le Cameroun gagnerait à profiter de l’immense marché nigérian qui représente actuellement un peu plus de 180 millions d’habitants. Donc, autant de potentiels consommateurs, notamment pour les produits de son agriculture qui se vendent plutôt bien dans les grandes métropoles nigérianes. Première puissance économique d’Afrique, le Nigeria pour sa part, devrait pouvoir trouver au Cameroun, pays réputé stable et en pleine croissance dans un contexte de morosité économique générale, un terreau facile tant pour ses investisseurs que pour l’écoulement de sa production industrielle en expansion.
Le tête–à-tête attendu entre Paul Biya et son homologue sera enfin l’occasion d’aborder l’autre délicat sujet sur lequel le Cameroun et le Nigeria œuvrent depuis longtemps : la sécurité le long de leur frontière commune, du Lac Tchad jusqu’à la mer. Boko Haram règne en effet en maître absolu dans plusieurs Etats nigérians voisins du Cameroun dans la zone du nord-est, alors que les actes de piraterie refont surface dans le Delta du Niger, replongeant Bakassi et les autres territoires camerounais frontaliers dans l’insécurité. Il va donc falloir trouver les stratégies les plus adaptées pour faire face à la montée en puissance du terrorisme. Sur ce dernier plan, le Cameroun dont les efforts sont connus et reconnus à travers le monde, devrait se contenter d’écouter la partie nigériane. Les hésitations passées et actuelles des autorités d’Abuja n’ont pas, selon la communauté internationale, facilité la lutte contre Boko Haram.
L’éradication de cette secte sera justement le principal sujet d’ordre multilatéral que les présidents Biya et Buhari aborderont. Le nigérian qui est déjà passé par Ndjamena et Niamey, exposera également à Yaoundé son projet militaire, pour permettre aux trois pays voisins engagés à ses côtés dans la guerre contre Boko Haram de mieux l’aider à combattre les insurgés, tout en évitant les débordements actuellement observés sur leurs territoires respectifs. Les adeptes de la secte nigériane ont en effet changé leur mode opératoire, en privilégiant depuis peu, les attentats suicides dans les quatre pays où ils sévissent. Enfin, Muhamed Buhari devrait pouvoir donner plus de précision sur le déploiement de la force multinationale annoncée pour réduire à néant la secte, et surtout sur l’apport de son pays à cette armée dont les besoins en hommes et en équipements sont immenses. C’est dire si les attentes du séjour du leader nigérian au Cameroun sont nombreuses, aussi bien pour les deux pays que pour l’ensemble de la communauté internationale.