Vingt ans après son adoption par l’Assemblée nationale et sa promulgation par le Président de la République le 18 janvier 1996, la Constitution du Cameroun alimente toujours le débat voire la polémique.
Depuis deux semaines, à la faveur du 20ème anniversaire de la promulgation de cet important Texte, les débats sont remis au goût du jour au gré des ouvrages, des tribunes libres, des émissions et des interviews consacrés à ce sujet. Depuis plusieurs années, deux principales thèses s’affrontent autour de la mise en œuvre de la loi fondamentale : d’un côté ceux qui estiment que le rythme de la mise en œuvre est trop lent et l’application incomplète et de l’autre les optimistes et partisans de la satisfaction pour qui la Constitution finira bien par être complètement appliquée. En fait, il s’agit de l’éternel débat entre la bouteille à moitié vide et la bouteille à moitié pleine. Loin de nous, la prétention de vouloir trancher un tel débat où se mélangent fétichisme idéologique, mauvaise foi, manipulation et calcul politicien. Rappelons simplement que ceux qui aujourd’hui estiment que la Constitution est incomplètement appliquée sont les mêmes qui, hier, jetaient l’anathème sur la notion d’autochtone contenue dans la loi fondamentale.Qui peut encore douter de la pertinence de cette disposition et de son utilité dans l’architecture électorale du Cameroun en matière de contribution et de participation de toutes les composantes sociologiques d’une circonscription à la gestion publique, à la construction nationale et à la cohésion sociale ?Las ! La Constitution du Cameroun en vigueur, c’est treize titres et 69 articles. Sur ces 13 titres, il n’y en a que deux qui ne sont pas intégralement appliqués : ceux relatifs au Conseil constitutionnel (titre VII) et à la Haute cour de Justice (titre VIII). Il convient d’y ajouter quelques articles du titre X portant sur les collectivités territoriales décentralisées, notamment les Régions et le fameux article 66 consacré à la déclaration des biens contenu dans le titre XII relatif aux dispositions spéciales. Les critiques de mauvaise foi et les contempteurs agitent volontiers ces aspects de la Constitution comme autant de chiffons rouges pour démontrer qu’elle est partiellement appliquée. Leur totem magique qu’ils brandissent à la moindre occasion : l’article 67 alinéa(1) qui stipule que « les nouvelles institutions de la République prévues par la présente Constitution seront progressivement mises en place ». C’est indéniable et incontestable : le Conseil constitutionnel, la Haute Cour de justice ne sont pas encore en place, l’article 66 n’est pas encore appliqué. Mais à côté de ces « retards », a-t-on suffisamment mis l’accent sur les acquis ? Le Cameroun est bel et bien aujourd’hui un Etat unitaire décentralisé [alinéa 2 de l’article 1]. Le Sénat fonctionne ; tout comme la Chambre des comptes. Que dire de la présidence de la République, de l’Assemblée nationale, du Pouvoir judiciaire, des collectivités territoriales décentralisées ? A cet égard, il y a lieu de relever que les acquis sont bien plus nombreux que les chantiers à venir. Ce qui a été fait est plus significatif que ce qui reste à faire. En fait, par une manipulation savamment orchestrée, on veut faire croire aux Camerounais que l’article 67 suscité vide la Loi fondamentale de toute sa substantifique moelle. Erreur : l’article 67 ne dit pas que la Constitution sera mise progressivement en place mais il s’agit des nouvelles institutions de la République. A ce jour, seules trois n’ont pas été mises en place. Le reste l’a été et fonctionne.Au-delà de ce débat prisé des juristes et des constitutionnalistes, le regard politique porté sur ce sujet est plutôt encourageant et satisfaisant : 20 ans après sa promulgation, la Constitution du 18 janvier 1996 suscite désormais une forte adhésion populaire. La preuve par neuf : même ses adversaires les plus irréductibles demandent désormais son application immédiate. A quoi on leur répondra que l’élaboration d’une Constitution n’est pas une œuvre divine. Rien n’est jamais définitivement acquis et l’ouvrage doit être sans cesse remis sur le métier.
CMZ
Christophe MIEN ZOK