A quelque chose malheur est bon. Malgré les frayeurs, les inquiétudes, les dégâts matériels, les larmes et surtout le sang versé, la crise dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest a quand même un côté positif.
Plus les jours, les semaines, les mois passent, plus les pouvoirs publics, au premier rang desquels le Chef de l’Etat, S.E. Paul Biya, montrent et démontrent l’importance et l’attachement accordés à ces deux régions sans lesquelles le Cameroun ne serait plus le Cameroun.
En effet, il n’est ni superflu ni exagéré d’affirmer que le Cameroun y tient, et pas seulement dans ces deux régions, comme à la prunelle de ses yeux. Chaque cm² du territoire national doit être défendu comme ce fut le cas à Bakassi.
Depuis plus de deux mois, le Gouvernement a opté pour le dialogue et n’a ménagé aucun effort ni concession pour ramener le calme dans la maison. Toutefois, cette attitude conciliante n’empêche pas la fermeté lorsque les circonstances l’exigent. Ainsi en est-il de l’interdiction des activités des mouvements et associations non reconnus officiellement ou de l’interpellation des meneurs de ces groupuscules. Des décisions dictées par la seule volonté de rétablir l’ordre et faire respecter l’autorité de l’Etat. Ceux qui disent le contraire sont de mauvaise foi.
Aucun Etat sérieux ne peut encourager la chienlit ou tolérer l’anarchie. Preuve supplémentaire de cet état d’esprit où se mêlent fermeté et volonté de conciliation et de dialogue : le Président de la République a signé lundi dernier un décret portant création, organisation et fonctionnement de la Commission Nationale chargée de la promotion du bilinguisme et du multiculturalisme. Une réponse, une de plus, du Président de la République qui va bien au-delà du «problème anglophone». Si la diversité linguistique et la spécificité bilingue anglais-français font et fondent l’identité du Cameroun, sa richesse culturelle en constitue une autre facette.
L’aspect positif de la crise dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest est de rappeler tous les Camerounais, les responsables des pouvoirs publics en particulier, à leur devoir de chaque instant en matière de sauvegarde et de promotion de cette diversité qui constitue une authentique richesse.
C’est parce que, individuellement et collectivement, nous avons donné l’impression que tout était déjà fait que la crise actuelle semble nous surprendre. Or rien n’est définitivement acquis. La construction de la nation, comme dirait Césaire, se fait année après année, anneau par anneau. Et c’est justement au maillon le plus faible, à l’anneau le plus fragile qu’il faut accorder la plus grande attention. Nous payons aujourd’hui le prix de cette coupable et inconsciente négligence. Or, après les «avertissements sans frais» des années précédentes, force est de constater qu’il ne s’agit pas d’une écume de surface mais d’une lame de fond. Ces «démangeaisons» épisodiques ne relèvent pas de symptômes annonciateurs d’une éruption cutanée saisonnière et passagère. Faute de les avoir prévenues et traitées à temps, nous voici au stade du «Came no go», cette affection cutanée bien connue chez nous, autant inoffensive que désagréable et qui «vient mais ne repart pas». Même si les institutions ne valent que par les hommes ou les femmes censés les servir, la commission nationale créée lundi par décret du Président de la République vient rappeler à notre mémoire collective que la promotion du bilinguisme et du multiculturalisme est une quête de chaque instant, une conquête de tous les temps. Puissent tous les Camerounais, du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest, du Nord-ouest au Sud-ouest, ne plus jamais l’oublier. En vérité, rien n’est jamais définitivement acquis.
Et quitte à être condamnés, comme Sisyphe, à un éternel recommencement pour la consolidation de l’unité nationale, la promotion de la diversité linguistique, du bilinguisme et du multiculturalisme, piliers de notre identité nationale, acceptons-le de bon cœur et en chœur. La noblesse de la cause vaut un tel sacrifice.
CMZ
Christophe MIEN ZOK