Alors que les appels au dialogue fusent de toutes parts en vue du règlement pacifique de la crise anglophone, la surenchère et l’escalade verbales ne faiblissent pas.
Plus d’une semaine après la journée mémorable du 1er octobre 2017, la crise anglophone occupe toujours les devants de l’actualité. Avec son lot de dérapages verbaux et de polémiques. Entre les contestations sur les chiffres du bilan humain des manifestations du 1er octobre, les interrogations sur les potentiels acteurs du dialogue ainsi que les contours de celui-ci, il y a de la matière pour alimenter les tribunes et les forums de débat. Les évêques de la province épiscopale de Bamenda n’ont pas voulu rester en marge de cette effervescence. Au terme d’une réunion tenue le 4 octobre, les prélats de Kumbo, Mamfé, Buea, Kumba et Bamenda ont publié un communiqué dont le ton fait froid au dos. S’ils condamnent «sans équivoque la violence perpétrée par certains groupes de jeunes«, ils n’épargnent pas la «la barbarie et l’usage irresponsable d’armes à feu contre les civils non armés par les forces de défense et de sécurité, même en réaction à des provocations«. Plus loin, les évêques enfoncent le clou lorsqu’ils évoquent une «épuration ethnique» ou un «génocide» «puisque tous les anglophones sont désormais considérés comme terroristes et en tant que tels, peuvent être éliminés«. Grands Dieux ! Génocide ? Epuration ethnique ? Face à l’indignation générale, la conférence épiscopale nationale, par la voix de son Président, l’Archevêque de Douala, a dû tempérer et édulcorer ces propos dignes des versets sataniques et diaboliques.Au fait, la fréquence et la récurrence d’accusations d’actes de pédophilie au sein de l’église catholique fait-elle de tous les membres du clergé et de l’Episcopat des pédophiles ? Bien sûr que non ! Ceux qui, à l’instar des évêques, sont habitués à manier et à manipuler les mots dans leurs homélies au quotidien devraient davantage faire attention à leur sens et à leur signification. Les mots ne sont pas neutres. Ils peuvent être des vecteurs de maux et compromettre le dialogue tant réclamé.
En effet, depuis le 1er octobre 2017, tout le monde appelle à un dialogue «sincère, franc, inclusif, sans tabou« comme solution pour sortir de la crise. Quelles seraient les conditions de la tenue de ce dialogue tant souhaité ? Poser cette question revient à lever un coin de voile sur les calculs politiciens et mesquins des uns et des autres. Tous ou presque n’ont pas totalement abandonné les vieilles lunes telles que la conférence nationale souveraine et son corollaire, à savoir le gouvernement de transition ou d’union nationale qui implique la mise entre parenthèses des institutions légales et légitimes. Bien plus, chacun fait entendre sa petite musique susceptible d’attirer le chaland dans sa boutique ou sa chapelle. Quand John FRU NDI par exemple demande que «Paul BIYA soit traduit au Tribunal Pénal International, pour crime contre l’humanité«, le MRC de Maurice KAMTO quant à lui constate que «l’actuel Gouvernement est désormais disqualifié pour résoudre cette crise, il appelle par conséquent la Cour Suprême – Conseil Constitutionnel [à] déclarer la vacance du pouvoir, afin de permettre au pays de renouveler ses dirigeants et de se doter de nouvelles institutions aptes à résoudre la crise«. Pour sa part, AKERE MUNA, candidat déclaré à la candidature pour 2018, pose ses conditions : «En ce moment troublé de notre histoire et face aux périls qui nous menacent, il serait souhaitable que Paul Biya passe le relais. Mon espoir est qu’il nous offre une transition paisible«. Et de conclure sur ce point : «Je veux croire qu’en 2018, pour la première fois, les camerounais pourront vraiment choisir leur président«. En éliminant et en excluant au préalable d’autres candidats ?
Comme on peut le constater, le dialogue auquel chacun veut bien accoler son propre adjectif se résume à un slogan que l’on croyait rangé définitivement dans les tiroirs et les oubliettes de l’Histoire : «Biya must go«. Ce dialogue plein de sous-entendus, de calculs et d’arrière-pensées ne peut pas être la solution à la crise.
Alors ? Il faut d’abord dénoncer avec vigueur la tentative d’escroquerie intellectuelle qui consiste à vouloir mettre entre parenthèses les institutions légitimes établies sous prétexte de dialogue. Vous ne pouvez pas parler d’un dialogue inclusif en excluant d’office certains. Il s’agit d’un raccourci démocratique. D’aucuns diront un coup d’Etat à peine scientifique. Il faut ensuite faire confiance à ces mêmes institutions et surtout à celui qui les incarne, le Président Paul Biya. Il a prêté serment pour défendre l’intégrité du territoire, la souveraineté et l’unité du Cameroun. Tout manquement de sa part serait un parjure. Il faut, enfin, de la part de tous les protagonistes une grande et vraie dose de sincérité, d’humilité et de bonne volonté. L’intérêt et l’avenir du Cameroun en dépendent.
Christophe MIEN ZOK