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L'Editorial

Touche et retouches :

Les projecteurs de l’actualité politique étaient braqués ce vendredi 2 mars sur la rentrée parlementaire de l’année législative 2018 au Sénat et à l’Assemblée nationale.

Les mêmes projecteurs scrutaient par anticipation la journée du mardi 6 mars, d’ores et déjà inscrite en lettres d’or dans les annales de l’histoire politique du Cameroun moderne, en raison de la prestation de serment des membres du Conseil constitutionnel. Toutes ces attentes et ces supputations, à quelques jours des élections sénatoriales du 25 mars prochain,  créaient un environnement plutôt éloigné des préoccupations liées à un éventuel remaniement gouvernemental  devenu un serpent de mer, à force d’avoir été annoncé et attendu depuis plusieurs années. 
 
Paul BIYA a saisi cette fenêtre d’opportunité pour  sortir l’arme « fatale » du  réaménagement du gouvernement, quitte à faire passer les autres sujets au second plan, surtout quand on connaît l’appétence des Camerounais pour tout ce qui touche à la fonction ministérielle. Mais le Chef a bien le droit de nous réserver quelques surprises. Et quelles surprises! Si la clameur, la curée et les fantasmes populaires s’attardent, comme d’habitude en pareille circonstance, sur le sort des sortants en leur prédisant des lendemains sombres, cet aspect ne saurait à lui tout seul justifier un réaménagement, fut-il technique. 
 
Les décrets du 2 mars méritent par conséquent d’être lus sous le prisme des enjeux et des défis plus nobles qu’ils charrient.sur le plan politique, Paul BIYA apporte une réponse supplémentaire à l’une des préoccupations générées par la crise anglophone en confiant les  ministères  de l’Administration territoriale et des Enseignements secondaires à deux ressortissants du Nord-ouest et du Sud-ouest. Dans la même logique et fidèle en cela à une annonce faite le 31 décembre, il crée le ministère de la Décentralisation et du développement local. Sur le plan économique, les permutations intervenues aux ministères des Finances et de l’économie ne se limitent pas à un simple jeu de chaises musicales. Elles participent sans doute du souci de donner un nouveau souffle ainsi qu’un élan fort et  dynamique à ces deux secteurs dans un contexte de mise en œuvre du programme avec le Fonds monétaire international.Sur le plan social, le président de la République reste attentif aux attentes légitimes du peuple souverain pour tout ce qui concerne les conditions de vie et l’accès des populations aux services de base: routes, eau, électricité, sécurité dans les transports, etc. Sur le plan sociologique, Paul BIYA procède par touches très discrètes, subtiles et successives à un renouvellement de la classe politique en y injectant régulièrement des femmes et des jeunes.                                                            
 
Au-delà des supputations et des commentaires hâtifs sur les causes réelles ou supposées des promotions, des disgrâces et des limogeages, demeure une constante: les ministres passent, la République demeure. Tous ceux qui sont mis au banc de touche aujourd’hui ne sont pas forcément hors-jeu, même si certains n’ont pas atteint les résultats assignés. Pour conserver  l’équilibre global et la dynamique générale du pays,  Paul BIYA, à la manière d’un Pablo Picasso, agit comme un peintre impressionniste: une petite touche et une légère couche de peinture ici; une retouche et un peu de couleur, gaie ou triste, là. L’aspect esthétique n’est pas le principal objectif recherché. Seul compte l’éthique de responsabilité, de l’efficacité ou du résultat final. On a alors l’impression que le tableau, vu de loin,  ne change pas. Et pourtant, vu de près, il change!  Et la grande œuvre est loin d’être achevée. Le « peintre » tient encore fermement ses pinceaux, prêt à apporter quelques touches et retouches à son tableau, au terme des sénatoriales du 25 mars et des prochaines échéances électorales. La (re)distribution des cartes est loin d’être terminée.

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