La crise anglophone sera sans aucun doute au cœur de la prochaine élection présidentielle.
Non seulement à cause des défis et des inquiétudes sécuritaires qu’elle charrie, mais aussi en raison de sa résonance et de son impact sur l’opinion publique nationale et internationale. Même si la question ne concerne que deux régions sur dix, l’enjeu électoral n’en est pas moins grand. Alors que les électeurs attendent de connaître la liste définitive des candidats retenus pour le scrutin présidentiel du 7 octobre 2018 ainsi que leurs propositions, programmes et projets sur les grands centres d’intérêt national, une surprenante initiative lancée par des dignitaires religieux capte l’attention et fait polémique.
Conduite par le Cardinal TUMI assisté d’un Imam et d’un Pasteur de l’église presbytérienne, la démarche consiste à convoquer à Buea à la fin du mois d’août une conférence générale anglophone. Si l’initiative est louable et salutaire à première vue, elle pose néanmoins question quant à l’opportunité et à la qualité des participants. Pourquoi seulement maintenant alors que la crise dure depuis deux ans? Pourquoi les auteurs n’ont-ils pas levé le petit doigt quand on empêchait les enfants d’aller à l’école? Au contraire, ils ont donné l’impression d’être complices des fauteurs de troubles en fermant les yeux sur les menaces et les intimidations proférées contre les élèves, leurs parents et les enseignants. D’ailleurs l’église catholique s’est empressée de fermer ses écoles et de renvoyer les enfants à la maison, nonobstant les frais de scolarité déjà perçus. Pourquoi les Anglophones devraient-ils être les seuls concernés par ces assises s’ils font partie intégrante de la communauté nationale? Autant de questions qui ont d’emblée suscité la méfiance et entretenu la suspicion.
L’initiative suscite et attise davantage la polémique, au regard des préalables et des exigences de ses initiateurs : cessez-le-feu, libération des prisonniers, amnistie générale. Pourquoi ne pas d’abord demander à ceux qui ont pris les armes contre la République de les déposer? Dès lors, les mauvaises langues ont tôt fait de conclure que l’initiative est politique, puisque destinée à interférer et à influencer la campagne électorale. Les voies du Seigneur sont certes insondables mais le Cameroun n’a pas besoin en ce moment des querelles de clochers et de luttes byzantines.
Au lieu de prêcher pour leurs propres chapelles ou d’afficher un parti pris flagrant, ces leaders religieux devraient plutôt « remettre l’église au milieu du village ». Cette expression qui signifie éviter les heurts, pacifier, ramener la sérénité, remettre de l’ordre est tout à fait appropriée dans notre contexte. En d’autres termes, les hommes d’église devraient être objectifs et rester au-dessus de la mêlée. Peuvent-ils tous jurer la main sur la Bible ou sur le Coran qu’ils sont réellement de bonne foi? On peut en douter, au regard des prises de position et des antécédents du plus célèbre d’entre eux. Sans lui jeter la pierre, on lui rappellera que « Dieu écrit parfois droit avec des courbes ». La lumière finira bien par jaillir pour inspirer le cœur et la raison des dirigeants du Cameroun afin qu’ils trouvent, dans l’union des cœurs et des prières, au terme d’une parfaite symbiose entre les pouvoirs temporel et spirituel, une solution définitive à la crise anglophone. Et que Dieu protège notre pays!
Christophe MIEN ZOK