Les mauvaises langues auront toujours à redire. Les éternels insatisfaits trouveront forcément le verre à moitié vide.
Les mécontents notoires estimeront qu’il n’y a pas de quoi fouetter un chat. Et pourtant la dotation générale de la décentralisation(DGD), cette enveloppe financière que l’Etat alloue chaque année aux collectivités territoriales décentralisées vient d’enregistrer une augmentation substantielle en ce début d’exercice budgétaire. Elle passe en effet de dix à 50 milliards environ; soit 36 milliards pour l’investissement et 13,8 milliards pour le fonctionnement. Certes on est encore loin de la revendication des maires qui demandent l’affectation de dix pour cent du budget de l’Etat aux collectivités territoriales. Mais l’effort est réel et cadre avec la volonté du Chef de l’Etat de donner un coup d’accélérateur au processus de décentralisation.
Au lendemain des premières assises de la commune qui se sont tenues au début de ce mois de février et après l’annonce du Président Paul BIYA relative à la tenue des élections régionales cette année, force est de constater qu’une nouvelle étape est franchie dans ce domaine. De quoi confondre les sceptiques et les contempteurs? Sans doute. D’autant que dans la répartition de la dotation générale de fonctionnement, il est prévu des provisions de sept milliards respectivement pour la rémunération des présidents et des membres des bureaux des conseils régionaux (2 milliards) et le démarrage des conseils régionaux (5 milliards). Un palier supplémentaire est donc en passe d’être franchi. Pour autant la décentralisation ne doit pas être perçue seulement comme un transfert de compétences et de ressources financières de l’Etat central vers les collectivités territoriales décentralisées. Elle doit encore moins être laissée aux seuls fonctionnaires et agents de l’Etat qui ne partagent pas toujours la volonté politique du Chef de l’Etat. En plus d’être un processus technique, la décentralisation est aussi et avant tout l’expression de la volonté politique au sommet et des aspirations des populations à la base.
Le montant de l’enveloppe allouée à la dotation générale de la décentralisation ne remplacera jamais les efforts endogènes des communautés. Certes l’Etat doit mettre en place, à travers un arsenal législatif, juridique et réglementaire, le cadre de mise en œuvre du processus. Tout comme il doit veiller à la mobilisation des moyens humains et des ressources financières. Mais sans la participation effective des principaux concernés et bénéficiaires que sont les populations locales, la décentralisation a peu de chances de réussir. Pour une raison simple: « ce que l’on fait pour vous sans vous est contre vous ». Autrement dit les populations doivent être des acteurs de leur propre développement. Malheureusement dans certaines régions elles continuent à être de simples spectateurs.
Les maires n’en parlent pas assez, occupés qu’ils sont à mettre la pression sur le pouvoir central afin d’obtenir des ressources financières consistantes. Or, sur le terrain, certainement en raison de la faible activité économique, les impôts locaux ne représentent pas grand chose dans les budgets communaux. Cela n’explique et ne justifie pas totalement ce manque d’intérêt pour le développement local. Même des projets communautaires dont les financements exigent une quote-part des communautés de base rencontrent des difficultés en termes d’exécution à cause du faible engouement des principaux bénéficiaires. Et pourtant cette quote-part n’est pas seulement financière; elle peut également se mesurer en termes d’investissement humain. Voilà l’un des défis que la communauté nationale devra relever pour faire de la décentralisation un succès dans toutes les régions. Les efforts appréciables de l’Etat central en matière de transfert des compétences et des ressources doivent rencontrer l’adhésion, la volonté et la participation des populations locales. À défaut, la décentralisation, qui est une opportunité pour le développement de nos collectivités, restera un processus inachevé.
Christophe MIEN ZOK