Les organisateurs ne s’attendaient sans doute pas à un tel engouement et à une aussi grande affluence. La cérémonie solennelle d’ouverture et le débat général qui ont meublé hier la première journée du grand dialogue national au Palais des Congrès ont donné le ton et le tempo de ce que sera cette semaine déterminante pour l’histoire de notre pays. On ne tiendra donc pas rigueur aux organisateurs pour les manquements, les insuffisances et les lacunes du début, du reste mineurs et dérisoires, face aux véritables enjeux. Côté cour et côté coulisses, on peut affirmer sans aucun triomphalisme que le grand dialogue national est bien parti si l’on en juge par le nombre et la qualité des participants, la tonalité et la pertinence des discours, les dispositions et l’ouverture des esprits.
Au fur et à mesure de l’évolution des travaux, l’organisation va sans doute s’améliorer pour permettre à tous les participants de s’exprimer pleinement et de contribuer efficacement aux débats. En attendant, on retiendra de la première journée ces deux beaux symboles des ex-combattants chantant l’hymne national en anglais et prenant la parole devant l’auditoire à travers un jeune homme et une jeune fille. Louis FERDINAND CELINE, penseur et pamphlétaire français avait coutume de dire avec ironie que « la postérité est un discours aux asticots ». Avec tout le respect dû à ce brillant esprit, on peut se permettre de ne pas partager son point de vue et affirmer que la postérité retiendra que les discours prononcés tout au long de la journée du 30 septembre marqueront et resteront dans la postérité. Le porte-parole des ex-combattants dans une intervention improvisée a énuméré les causes et les racines de la crise avant de conclure en anglais:
« we are ready ». À savoir prêts pour le dialogue, prêts pour la paix, prêts pour contribuer au progrès et au développement du Cameroun. À cet engagement, la jeune fille fraîchement sortie du maquis et qui a pris la parole a ajouté son cri de détresse: « we are jobless». Au-delà des revendications sécessionnistes et corporatistes, le chômage est l’une des causes de la crise; c’est en partie à cause du chômage que des jeunes ont préféré sacrifier leur avenir pour prendre les armes.
Au cours du débat général qui s’est tenu dans l’après-midi, patriarches, notables, élus, intellectuels, leaders politiques ont continué à confronter leurs arguments. Le lyrisme, le réalisme, le pragmatisme, voire le cynisme se sont parfois exprimés avec passion et véhémence mais, d’une manière générale, une voie semble se dessiner: la volonté unanimement affirmée de mettre un terme à la crise dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest et de trouver la bonne formule pour le développement harmonieux de toutes les régions du Cameroun. On a eu droit à de belles envolées et à des rappels historiques. On n’a pas échappé à la rhétorique et aux proverbes bien de chez nous. Le décor est ainsi planté pour les jours à venir. Et cela est de bon augure pour la suite. À condition que les cœurs et les esprits soient prêts. À condition que le contenu des débats ou des réformes à venir soit privilégié au détriment du contenant. On ne vient pas au dialogue avec un couteau tranchant mais avec une aiguille pour coudre. Aux participants des assises du Mont Nkolnyada de faire bon usage de cette sagesse.
Christophe MIEN ZOK