«Une faute avouée est à moitié pardonnée », dit le dicton. En publiant la semaine dernière à travers un communiqué de presse la synthèse du rapport sur les événements tragiques de Ngarbuh, il n’est pas sûr et certain que le Président de la République et son Gouvernement avaient à l’esprit la recherche du pardon, de l’absolution ou d’une quelconque repentance vis-à-vis de l’opinion publique nationale et internationale. Deux mois après l’accrochage entre des éléments des forces de défense et des séparatistes ayant entraîné des dégâts collatéraux parmi les civils dans cette localité du Donga Mantung dans la région du Nord-ouest, le gouvernement a pris tout le monde de court en rendant public un communiqué officiel présentant une version des faits sensiblement différente de ses premières prises de position à ce sujet.
Au terme de ses travaux, la commission d’enquête a en effet établi la responsabilité de certains militaires dans cette bavure. En conséquence, le Chef de l’Etat, Chef des Armées, a prescrit l’ouverture d’une procédure disciplinaire contre tous les militaires ayant participé à l’opération ainsi que le déclenchement d’une procédure judiciaire contre trois d’entre eux et les membres du comité de vigilance impliqués. Il y aura donc un procès et les mis en cause, que certains qualifient déjà à tort ou à raison de coupables, seront sanctionnés ou, pourquoi pas, acquittés! Au nom de la vérité!
On espère que le rapport d’enquête proprement dit établira également si les victimes civiles étaient des boucliers humains ou non. Quoiqu’il en soit, force est de reconnaître que le Président de la République et les institutions qu’il incarne font ainsi preuve de courage, d’humilité, d’un sens élevé des responsabilités et de transparence. Loin d’être un acte de contrition ou de faiblesse, cette volonté d’assumer une regrettable bavure, c’est-à-dire un incident involontaire et non pas un massacre intentionnel, honore les pouvoirs publics en général et le Président Paul Biya en particulier. Tant pis pour ceux qui continuent de réclamer à cor et à cri une commission d’enquête internationale ou tentent, par métonymie, de faire porter le chapeau de cet incident à toute l’armée camerounaise. L’on ne saurait en pareille circonstance vouloir confondre la partie pour le tout. Quelques militaires isolés ne représentent pas TOUTE l’armée.
D’ailleurs si on devait épouser un tel raisonnement, que dirait-on alors de ces rédactions dont quelques journalistes s’illustrent par des comportements peu compatibles avec la déontologie et l’éthique professionnelles; ou de ces compagnies de voyage dont des bus sont régulièrement impliqués dans des accidents de circulation? Qu’il s’agisse de journalistes « adeptes du « gombo », de fonctionnaires véreux ou de chauffeurs inconscients on considère généralement ces écarts de conduite comme des accidents, des cas isolés. L’idée ne viendrait à personne de rendre le propriétaire d’un véhicule particulier ou d’une compagnie de transport responsable du mauvais dépassement effectué par un chauffeur et qui entraîne un accident mortel.
Ce qui s’est passé à Ngarbuh dans la nuit du 14 au 15 février 2020 est un malheureux, fâcheux et regrettable incident comme il s’en produit tant sur les théâtres des opérations militaires, a fortiori asymétriques. Les dégâts collatéraux ne datent pas d’aujourd’hui car il n’y a pas de guerre propre mais de là à généraliser en voulant se servir de ce prétexte pour jeter l’opprobre et le discrédit sur toute l’armée camerounaise, il y a un fossé que de nombreux Camerounais et des institutions internationales ne veulent pas franchir. Pour une fois la communauté internationale et plusieurs Organisations non gouvernementales ont salué la publication et les conclusions du rapport ainsi que les mesures envisagées pour sanctionner les responsables.
En définitive, la gestion des événements de Ngarbuh par les pouvoirs publics démontre que le dogme de l’infaillibilité est désormais une notion éculée, dépassée. D’ailleurs même le Pape peut se tromper. Les civils, les militaires voire les institutions sont essentiellement faillibles. À condition d’assumer ses actes lorsqu’on se trompe.
Il nous appartient maintenant, individuellement et collectivement, de faire en sorte que Ngarbuh ne se reproduise pas et renforce l’Etat de droit, la justice et la transparence dans notre pays. Peut-on espérer que les séparatistes soient également soumis à la même exigence de vérité? On peut toujours rêver.