Depuis quelques jours, un poème devenu viral sur la toile, ne laisse aucune âme insensible. L’ode en question, qui ne porte pas de signature, met en scène l’un des sept enfants tués à Kumba, faisant ses adieux à sa maman : « Maman je ne vais pas rentrer. Tu ne me verras plus danser. Tu ne me verras plus jouer. Tu ne me verras plus crier. Maman, dis à papa qu’ils m’ont envoyé voir Dieu. Leurs enfants sont dans les grandes écoles, et ils sont heureux. Moi ils m’ont attaqué, ils m’ont molesté. J’ai pleuré, j’ai souri parce qu’ils ne savent pas ce qu’ils font. Je n’avais ni machette, ni fusils. J’avais mon stylo en main. Ils m’ont attaqué parce je veux lire et écrire. Mais je suis auprès de Dieu. Il m’a dit, il sait tout. Il est la vengeance et ce sera pire. Ils ont violé d’autres mais nous sommes tous ici. Auprès de Dieu. Maman ne pleure pas. La craie à la main, je défie le ciel. Un homme accompli laisse son nom ».
Dans la journée du 24 octobre 2020 en effet, l’école privée Mother Francisca International Bilingual Academy (Mofriba), a été le théâtre d’un crime d’une rare violence, d’une cruauté inhumaine et d’une barbarie insoutenable et moyenâgeuse.
Selon des informations en provenance du lieu du crime situé dans l’arrondissement de Kumba II, département de la Mémé, région du Sud-ouest, un groupe d’hommes armés, a fait irruption dans ledit établissement scolaire et a ouvert le feu sur des enfants dont le seul crime était d’avoir voulu apprendre à lire et à écrire. Le bilan officiel de cette attaque, encore provisoire, fait état de sept enfants décédés et 13 blessés, actuellement en soins intensifs dans diverses formations sanitaires de Buea, Kumba et Mutenguene.
Même si quelque indice inclinerait à attribuer cette litanie à un enseignant, le poème n’en demeure pas moins la propriété de tous ceux qui, aux trois coins du triangle national et au-delà, se sont levés comme un seul homme, pour condamner cet acte ignoble, et continuent de se poser la question WHY ? POURQUOI ?
Ils s’appelaient Victory, Jenifer, Princess, Telma, Rema, Syndi, etc. Ils se sont levés ce matin-là comme tous les enfants du monde, pour jouir de leur droit de s’instruire. Ils étaient loin de s’imaginer que non loin, leurs bourreaux étaient en embuscade, avec leur plan macabre.
Ce qui est arrivé le 24 octobre dernier est le signe que dans cette sale guerre du NoSo, on a touché le fond. La Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant ne pose-t-elle pas que « l’enfant, en raison de son manque de maturité physique et intellectuelle, a besoin d’une protection spéciale et de soins spéciaux » ? Lorsque l’adulte, protecteur naturel de l’enfant devient plutôt son bourreau, c’est une preuve que l’on n’a véritablement plus de limites. Car rien ne saurait justifier une telle barbarie. Aucun combat, aucune cause, aucun argument ne saurait justifier ou légitimer cet acte ignoble, barbare, criminel et lâche.
Pourquoi s’en prendre à des enfants innocents, qui ne demandaient qu’à vivre, à apprendre à lire, à apprendre à écrire, à apprendre à lier le bois au bois ? Comment dès lors ne pas sentir en soi une hantise inexpliquée, une peur, une profonde tristesse, et une terrible rage contre les auteurs de ce carnage. Mais en même temps, un sentiment d’impuissance, de frustration de ne pouvoir rien faire d’autre que de coucher ces quelques lignes de compassion et de réconfort à l’endroit des familles affligées. Et, par-dessus tout, la frustration de ne pouvoir trouver réponse au pourquoi de cet acte ignoble. WHY ?
Par Serge Williams Fotso