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L'Editorial

« No man’s land »

Au moment où s’ouvre demain la session parlementaire avec en toile de fond un quadruple enjeu politique, sécuritaire, économique et sanitaire, il est difficile de détourner les regards des deux Régions du Nord-ouest et du Sud-ouest, toujours en proie aux violences, violations et exactions de toutes sortes. Bienvenue en absurdie ! En effet ce qui se passe dans ces deux régions devient de plus en plus absurde, illisible et incompréhensible. On n’avait pas encore fini de pleurer les enfants de Kumba que des enseignants étaient tués à leur tour ici et là. Pour les séparatistes, l’école reste la première cible de leur combat. Le comble de l’absurde c’est l’enlèvement en fin de semaine dernière du Cardinal Tumi, du Fon de Nso et de leurs accompagnateurs. Si l’homme d’église a été libéré très rapidement, il n’en est pas de même pour ses compagnons de voyage.

Bien avant cet épisode, de nombreux chefs traditionnels du Sud-ouest ont été enlevés, torturés et souvent libérés après paiement de fortes rançons. Chief Mbanda de Lysoka n’a pas eu la même « chance »: il est mort en captivité. Des écoles et des hôpitaux brûlés, des élèves assassinés, des prélats enlevés, des chefs traditionnels kidnappés ou forcés de s’exiler; voilà la tournure de plus en plus tragique et illogique que prennent les événements dans le Nord-ouest et le Sud-ouest. Les séparatistes sont devenus des terroristes sans foi ni loi, des desperados sans cœur ni morale qui ont transformé les villages et les chefferies en « no man’s land », des terres sans habitants. On avait pourtant fait croire aux populations que la lutte de « libération » déboucherait sur l’indépendance pour tous et la prospérité pour chacun. Au lieu de quoi, c’est le règne de la tristesse, de la désolation, de la précarité et de la misère. On comprend dès lors le désenchantement, la désillusion et la déception des populations vis-à-vis des sécessionnistes. Un proche du Cardinal Tumi résume bien la situation: « hier on les [les ambaboys] appelait affectueusement nos garçons; aujourd’hui, on les désigne désormais comme ces garçons. » Le désamour est donc proportionnel au soutien, à la confiance et à la sympathie d’hier et on n’est plus loin de la rupture entre les populations et les « libérateurs » autoproclamés.

C’est dans ce contexte que le Ministre délégué à la Présidence de la République chargé de la Défense a conduit une mission conjointe de commandement à Buéa et à Kumba en début de semaine. Objectif: renforcer le dispositif de protection des personnes et des biens. Car malgré la propagande, la désinformation des activistes, les manœuvres d’intoxication des ONG et de certains acteurs locaux, les autorités ne peuvent pas accepter que ces deux régions deviennent des zones de non-droit livrées à la merci des terroristes et des gangsters qui y pullulent. Si l’Etat baissait les bras, il faillirait à son devoir régalien de préserver l’intégrité du territoire et de protéger les Camerounais et leurs biens. Les populations doivent le comprendre et cesser de soutenir les sécessionnistes, par action ou omission. Le « gentleman’s agreement » que tous les Camerounais appellent de leurs vœux passe par l’acceptation d’une vérité implacable et non négociable: dans ce conflit, ce sont plutôt les forces de défense et de sécurité qui se tiennent aux côtés des populations et non les sécessionnistes. Ces derniers ont montré leur vrai visage: la soif de sang et l’appât du gain.

Il est temps de reconnaître et d’admettre que « la dignité d’une cause ne peut pas racheter l’indignité des moyens ». En usant d’exactions et en abusant de violences; en préférant la terreur à la persuasion, les sécessionnistes se sont définitivement disqualifiés. Les « héros » sont devenus des bourreaux. Et en dépit de toutes ces horreurs commises, il y a quand même des âmes sensibles qui demandent au gouvernement de dialoguer et de négocier avec les terroristes! Le dialogue et la réconciliation se feront entre Camerounais de bonne volonté, épris de paix, fiers de leur diversité mais convaincus de la nécessité de construire un pays stable, fort, uni et prospère. En attendant le jour où les renégats qui ont décidé de prendre les armes pour résoudre un problème qui pouvait être résolu par le dialogue les déposeront, l’Etat n’a pas d’autre choix que d’assumer ses responsabilités, toutes ses responsabilités telles qu’elles sont définies dans la Constitution: préserver l’unité et l’intégrité territoriales, protéger les personnes et leurs biens, respecter leurs droits.

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