Entre tentatives de renverse- ment de son pouvoir, manœuvres de déstabilisation du pays, crises économiques et sécuritaires, Paul Biya n’aura pas eu la tâche facile, depuis son accession au pouvoir.
Paul Biya n’a vraiment pas connu d’état de grâce quand il accède au pouvoir en 1982. Alors qu’il n’a que quelques mois à la tête du Cameroun, il doit déjà faire face à une première crise politique et institutionnelle : la querelle de leadership avec son prédécesseur. En cause, les rapports entre l’Etat dont le nouveau président est le chef, de par la constitution, et le parti unique de l’époque, dont Ahmadou Ahidjo est resté le président. L’Union nationale camerounaise (Unc), ce parti unique, clame sa primauté sur l’Etat. Opinion que le nouveau président de la République ne partage pas. La brouille ainsi née va conduire à une première tentative de renversement, en douce, du pouvoir en 1983, puis à une autre, plus violente, en avril 1984, à travers la prise des armes par une faction de l’armée. À peine l’ordre est-il rétabli qu’une crise économique particulièrement sévère s’installe, du fait de la détérioration brusque des termes de l’échange. Restés verts depuis la fin des années soixante, les voyants de l’économie camerounaise passent au rougie. La chute des cours de nos principaux produits d’exportation (café, cacao, banane, pétrole, bois), la fermeture des principales agro-industries du pays, les pertes sèches en devises et en recettes budgétaires enregistrées par l’Etat, le chômage et la pauvreté qui en résultent font le lit des revendications des années dites de braise, entre 1989 et 1993. Le pouvoir est de nouveau mis à rude épreuve. La rue gronde : en plus d’avoir faim, elle aspire légitimement à plus de liberté, à une meilleure gouvernance économique et subit une influence pas toujours positive, de lobbies internes et externes pour qui c’est l’occasion rêvée de renverser enfin l’ordre établi, ou de prendre le contrôle du Cameroun. Le tournant de 2016 Au même moment, l’intégralité territoriale du pays est menacée, suite à l’invasion de la presqu’île de Bakassi, dans le Sud-ouest, par le Nigeria. Paul Biya doit donc gérer de front les tensions politiques internes, la crise économique et un conflit frontalier avec son plus grand voisin. Étant parvenu à apaiser le climat sociopolitique, à relancer l’économie et à préserver l’inviolabilité du territoire national en remportant une victoire historique face au Nigeria devant la cour internationale de justice (Cij), Paul Biya croit tenir le bon bout, quand il se voit obligé d’aller de nouveau au front, en 2014. C’est que Boko Haram, l’une des sectes islamistes qui ont trouvé refuge dans la zone sahelo-saharienne, a décidé de prendre possession d’une partie de la région de l’Extrême-nord, pendant que l’Est subit les soubresauts de l’instabilité en République Centrafricaine, à travers des attaques répétées de milices armées dans des localités frontalières du Lom et Djerem, de la Kadey ou de la Boumba et Ngoko. Alors que l’armée repousse toutes les incursions de l’ennemi à la frontière, des revendications corporatistes des enseignants et des avocats des régions du Nord-ouest et du Sud-ouest, mi 2016, se transforment en une insurrection, puis en un mouvement sécessionniste. De nombreuses milices lourdement armées et agissant pour le compte de donneurs d’ordre connus ou officieux, agressent, brûlent, pillent, enlèvent, violent, tuent et rançonnent à longueur de journée. Des collusions sont même établies entre ces milices et certains leaders politiques opportunistes qui après avoir perdu des élections, veulent se servir du chaos pour accéder au pouvoir. Les offres de paix et de dialogue sont systématiquement rejetées. Depuis 2019, ces mêmes milices et leurs soutiens ont multiplié les actes terroristes au-delà des régions concernées. Des ambassades du Cameroun ont ainsi été régulièrement attaquées en France, en Allemagne, en Belgique, aux États-Unis d’Amérique, en Afrique du Sud, etc. L’assassinat des enfants de Kumba et les bombes artisanales ayant semé la peur et la désolation le week-end dernier dans un quartier de Yaoundé sont les manifestations les plus récentes des agissements de ces hors-la-loi.
Longin AVOMO