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La Politique

Discours du 10 février 2021 : Que va dire le président de la République, Paul Biya à la jeunesse ?

Assurément, le chef de l’Etat, Paul Biya, prépare la copie finale de son allocution à la jeunesse camerounaise, prévue pour le 10 février prochain. Quelles pourraient en être les grandes lignes ? Tentative de réponse.

«Mes chers jeunes compatriotes ». Comme chaque année, le Président, Paul Biya, prononcera ces mots dès l’entame de son allocution à la jeunesse. Entre celui de 2020 et le discours qu’il va prononcer cette année, il s’est passé bien des choses qui, à coup sûr, formeront la toile de fond kaléidoscopique de sa prise de parole.
Décentralisation et démocratie.
Jouer carte sur table. Telle sera la tonalité de l’allocution présidentielle à la jeunesse ce 10 février 2021. Déjà, l’an dernier, le chef de l’Etat se félicitait de « la mise en œuvre de la décentralisation » et « des opportunités qui vont se présenter à ceux qui voudront bien s’investir dans la gouvernance locale ». Avec l’entrée en fonction des Conseils Régionaux des dix régions le 22 janvier 2021, Paul Biya pourra certainement dire à ses interlocuteurs : « L’an dernier, dans les mêmes circonstances, j’appelais votre attention sur les avantages qui découleraient de la décentralisation : maintenant que les jalons ont été posés, la balle est désormais dans votre camp ! ». En bon mendiant de la paix, l’on peut également s’attendre à ce que le président renouvelle sa main-tendue aux jeunes du Nord-Ouest et du Sud-Ouest qui y « entretiennent un climat de terreur et d’insécurité », comme il l’a fait dans d’autres discours dont celui du 31 décembre dernier. Ce sera l’occasion de rappeler que le Code Général des Collectivités Territoriales Décentralisées confère aux régions en crise un statut spécial, adapté à leur spécificité sociale et politique, et donc qu’il vaut mieux considérer comme une impasse l’aventure ambiguë dénommée “Ambazonie”. Au chapitre démocratie participative, Paul Biya va sans doute opter pour l’offensive, toujours à la lumière de ses sorties précédentes mais surtout, de son style. Le 31 décembre 2020, le chef de l’Etat avait ironisé sur le peu d’écho populaire des appels aux « marches pacifiques » lancés par « une personnalité » dont la référence à l’élection présidentielle d’octobre 2018 permet de trouver aisément l’identité : Maurice Kamto. Tout en étant pédagogue, Paul Biya pourrait être tranché et tranchant au sujet des avatars de l’initiative humanitaire Survie Cameroun du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC). Initiative dont les soupçons de distraction de 200 millions de FCFA des fonds collectés pour les malades du coronavirus, font polémique au sein de l’opinion publique jeune qui y a amplement participé (à la une de l’hebdomadaire L’Avenir du 01 févier 2021). Ce serait, en tout cas, une opportunité pour l’émetteur présidentiel de s’autoriser une petite revanche. L’avenir nous le dira.
Entreprenariat et investissement.
Au regard des multiples sollicitations sanitaires et sécuritaires qui incombent à l’Etat du Cameroun, le président est attendue sur l’épanouissement socioéconomique des jeunes, nonobstant la conjoncture plombée par la Covid-19. Paul Biya va parler entreprenariat, s’appuyant spécialement sur la loi des finances 2021 et les dispositions d’ordre fiscal prises par le gouvernement pour « garantir la croissance des entreprises et la compétitivité de l’économie », comme l’affirmait le ministre des Finances, Louis Paul Motaze au bihebdomadaire Défis Actuels (édition du 11 au 13 janvier 2021). Il s’agit, de manière globale, des avantages fiscaux en termes d’exonération de tous les impôts, droits et taxes (hormis les cotisations sociales) concédés aux entreprises en phase d’incubation pour une période de cinq ans ainsi que de facilités à elles aménagées à leur sortie d’incubation, pour cinq ans également. Pareil pour les PME et l’entreprenariat jeune. Des avantages administratifs et fiscaux sont à exploiter à condition d’être enregistrés, comme précisé par le ministre Motaze dans cette interview, dans le cadre des guichets uniques de création d’entreprises connus sous l’acronyme CFCE, entendre Centres des Formalités de Création d’Entreprises. Mais aussi, dans le cadre des Centres de Gestion Agréés (CGA), sorte d’association à l’initiative des professionnels de la comptabilité et de la fiscalité régulièrement agréés ou à l’initiative des chambres consulaires, des organisations professionnelles constituées d’industriels, de commerçants, d’agriculteurs… De fait, l’adhésion à un Centre de Gestion Agréé entraine pour les membres une réduction des impôts (50% du bénéfice fiscal déclaré), l’exonération de la patente au titre de la deuxième année et le battement de 50% sur les taux de précomptes et acomptes. Les entreprises du secteur des Technologies de l’information et de la communication regroupées au sein d’un Centre de Gestion Agréé, par exemple, sont exonérées de la patente ainsi que des droits d’enregistrement sur les actes de création, de prorogation ou d’augmentation du capital. Elles sont également exemptées des charges fiscales et patronales sur les salaires, en plus du fait qu’il leur sera appliqué un taux réduit de l’impôt sur les sociétés de 15%, un taux réduit de l’impôt sur le revenu des capitaux immobiliers de 5% ainsi qu’un crédit d’impôt sur le revenu de 30% des dépenses de recherche et d’innovation plafonnée à cent millions de francs CFA. Paul Biya a donc de quoi jouer carte sur table avec les jeunes. L’objectif visé, jouer pour lui-même la partition de la responsabilité et inviter, en même temps, ses jeunes compatriotes à jouer celle de la responsabilisation.
L’éducation
Le « Renouveau », c’est le cap que tentera de fixer Paul Biya pour l’école camerounaise. Surtout après, on s’en souvient, le meurtre à Yaoundé d’un jeune professeur de mathématiques par un de ses élèves. Le président pourrait évoquer les dotations budgétaires de l’Education Secondaire et de l’Education de Base, planchées à 570,74 milliards de FCFA en 2021. Des dotations qui visent à améliorer la quantité et la qualité des infrastructures et équipements scolaires dans plusieurs localités du triangle national d’une part, améliorer le taux d’alphabétisation national, d’autre part. Sorte de « Plan Marshall » de l’éducation nationale, donc. Le président devrait également revenir sur une instruction consignée au Gouvernement lors d’un Conseil Ministériel et réitérée dans son discours à la jeunesse de 2020, à savoir « la mise en place d’un plan national de lutte contre la consommation des drogues et de l’alcool ». L’heure sera donc au bilan.
Ode au civisme
Le football ne manquera pas de s’inviter dans l’allocution présidentielle, surtout après une organisation camerounaise plutôt réussie du Championnat d’Afrique des Nations de football (CHAN). Il faudra s’attendre à ce que Paul Biya se félicite de la qualité des infrastructures sportives dont dispose désormais le Cameroun. Il n’est pas à exclure qu’il interpelle les Camerounais sur leur responsabilité quant à la préservation de l’intégrité de ces biens publics, après que des comportements regrettables y ont été constatés durant la compétition: piétinement des sièges, pose des pieds sur les accoudoirs et dossiers, occupation anarchique des places ou encore dépôt d’ordures sur des emplacements inappropriés (Communiqué du Ministre des Sports et de l’Education Physique). La responsabilité de chaque jeune sera convoquée, enfin, dans la lutte contre le coronavirus.
*Journaliste – Sémiologue

Par Alain Patrick Fouda

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