L’Action : Monsieur le ministre, vous avez entamé récemment une tournée dans les bassins de production du cacao pour procéder à la distribution de la prime de qualité cacao. De quoi en retourne-t-il exactement ?
Luc Magloire Mbarga Atangana : Je voudrais rappeler qu’à l’occasion de la campagne cacaoyère 2016/2017, les producteurs s’étaient retrouvés confrontés, contre toute attente, et nonobstant les projections plutôt favorables et optimistes de l’Organisation Internationale du Cacao, à une chute drastique des cours sur le marché international, de l’ordre de 40% par rapport à la campagne précédente, entraînant une forte érosion du pouvoir d’achat de ces derniers avec, à la clé, un risque certain de cessation d’activité pour les plus fragiles, c’est-à-dire pour la majorité d’entre eux. Je me permets de relever à cet égard que la production cacaoyère dans notre pays couvre huit régions sur dix, à la suite de l’intégration récente de l’Adamaoua, et que sont concernés pas moins de 600.000 exploitants directs, sans compter les activités et les emplois transversaux, notamment dans le secteur de l’industrie et de la logistique. Le cacao dans notre pays, c’est aussi 375 milliards de recettes à l’exportation, soit le deuxième produit de rang, derrière le pétrole et devant le bois.
Face à cette situation qui frisait l’apocalypse, le gouvernement, sous la très haute impulsion du chef de l’Etat, pouvait-il jouer les indifférents et rester les bras croisés? Que non. C’est dans ce cadre qu’un certain nombre d’initiatives hardies ont été entreprises par les pouvoirs publics camerounais, au double plan extérieur et interne.
A l’extérieur, ce fut la Rencontre multipartite de Bruxelles des 19 et 20 juillet 2017, qui avait regroupé les pays producteurs, l’industrie et les partenaires institutionnels, à l’exemple de la Commission européenne.
A cette occasion, le Cameroun, se faisant le porte-parole des pays producteurs, avait appelé à la mise en place, à défaut d’un mécanisme de soutien des prix, d’un système de partage des risques entre l’industrie et la production, en même temps qu’à une coordination et une harmonisation des politiques de production et de mise en marché. Le même plaidoyer sera porté et développé par le Cameroun à Berlin, les 22 et 23 avril 2018, lors de la 4ème conférence mondiale du cacao. On peut aujourd’hui dire que nous n’avons pas prêché dans le désert. J’en veux pour preuve, la mise en place, au niveau de l’Union européenne, des « Cocoa talks », une plateforme de consultation et de dialogue entre la Commission Européenne, les Etats Membres, l’industrie cacaoyère et les pays producteurs (Côte -d’Ivoire, Ghana et Cameroun). Pour la première fois, cette instance, sui generis, a entrepris d’aborder la question des prix aux producteurs. Comme quoi, les lignes commencent à bouger.
Au plan intérieur, le chef de l’Etat a instruit un train de mesures concrètes et à effet immédiat, au rang desquelles, la réduction de 150 à 75 fcfa/kg du montant du prélèvement à l’exportation du cacao, l’accélération et le renforcement de la construction des Centres d’excellence de traitement post récolte du cacao et l’instauration d’une prime de qualité à verser aux producteurs, adossée sur la mise en marché d’un cacao de grade 1.
C’est cette caravane que j’ai lancée, pour le compte de la campagne cacaoyère 2017/2018, à Biakoa, dans le département du Mbam et Kim, le 23 mars 2021 et qui s’est poursuivie le 26 mars à Makenené, dans le département du Mbam et Inoubou, le 29 mars à Batchenga, dans le département de la Lekié, le 1er avril à Tonga, dans le département du Ndé, le 5 avril à Djoum, dans le département du Dja et Lobo, le 6 avril à Ebolowa, dans le département de la Mvila, le 8 avril à Ayos, dans le département du Nyong et Mfoumou, le 9 avril à Mboma, dans le département du Haut -Nyong, le 13 avril à Bertoua, dans le département du Lom et Djerem, le 20 avril à Buea, dans le Département du Fako, le 22 avril à Botmakak, dans le département du Nyong et Kellé, le 23 avril à Nyanon, dans le Département de la Sanaga Maritime, le 26 avril à Mbalmayo, dans le département du Nyong et So’o, et le 27 avril à Mbankomo, dans le département de la Mefou et Akono, avant de s’achever le 28 avril à Afanloum, dans le département de la Mefou et Afamba. Le nombre de producteurs bénéficiaires concernés est de 5.239, pour un montant global de primes à verser de 774.025.721 FCFA.
S’agissant d’un nouveau mécanisme, pourquoi cette fixation sur la qualité ?
En matière de cacao, la qualité est devenue une exigence. Celle-ci s’est muée, au cours des derniers mois, en contrainte quasi dirimante, qu’il s’agisse du marché européen, du marché nord-américain ou du marché asiatique. En d’autres termes, on pourrait dire : « pas de qualité, pas d’accès au marché et pas de rémunération décente ». C’est la prise en compte de cette exigence qui a amené le gouvernement à lancer l’opération de construction des Centres d’excellence de traitement post-récolte du Cacao à travers les différents bassins de production et qui nous vaut aujourd’hui, d’une certaine manière, la reconnaissance de l’industrie chocolatière, comme en témoignent les visites régulières et répétées de nos partenaires chocolatiers étrangers, à l’exemple notable des maîtres chocolatiers de la Confédération des chocolatiers et confiseurs de France et, plus récemment, de l’industriel Puratos, de réputation mondiale. Le constat est sans équivoque : la fève du Cameroun est, intrinsèquement de très bonne facture. Il s’agit à présent pour nous de disséminer cette expérience et d’assurer ainsi la durabilité et la compétitivité de notre filière cacaoyère.
Comme vous l’avez annoncé, seule la campagne 2017-2018 est prise en compte au cours de ce périple. Qu’en est -il des autres campagnes et de l’avenir même de cette gratification du chef de L’Etat ?
Il fallait bien commencer par le commencement ! C’est ce que nous avons fait avec la campagne 2017/2018. Les producteurs en sont plus que satisfaits, qui ont d’ailleurs adressé des messages de remerciement et de gratitude au chef de l’Etat pour sa haute et constante collicitude. Pour le reste, le processus suit son cours, qui consiste à identifier préalablement, pour une campagne donnée, les bénéficiaires, puis à déterminer les volumes concernés et, enfin, à calculer la prime correspondante, avant de passer à la phase de paiement proprement dite. Vous le voyez, ce n’est pas une mince affaire. Il faut par conséquent laisser le temps nécessaire aux équipes pour leur permettre de faire correctement leur travail. –