Depuis la semaine dernière, 05 mai 2021, le paysage politique du Cameroun s’est enrichi avec la légalisation de 11 nouveaux partis par le Ministre de l’Administration Territoriale, M. Paul Atanga Nji. Le nombre total de ces entreprises politiques est porté à 330 pour une population de 25 millions d’habitants environ. C’est dire si l’offre politique est, au regard de ces chiffres, abondante et variée. Dira-t-on qu’elle est riche ? Ce sera à chacun d’en apprécier la portée, la signification et surtout l’intérêt.
Parmi les nouvelles formations légalisées par le Minat, il y a l’APAR, l’Alliance Patriotique et Républicaine du Cameroun, dont le leader – c’est le moins que l’on puisse dire – est un homme bien connu des médias et de nombreux appareils politiques. M. Célestin Djamen, Président du nouveau parti légalisé, heureux et fier de son sésame, a une lecture très personnelle, intéressée et particulière de la scène politique nationale. Sans doute, de pérégrination en multiples escapades, et d’avoir psalmodié dans plus d’une chapelle, il a l’expérience et de l’expertise acquises pour avoir ce regard incisif et profond sur des hommes et femmes qu’il a assidûment fréquentés hier. Partout où il a déposé ses valises de militant, M. Djamen a conseillé, accompagné et appuyé avec la foi et l’engagement d’un catéchiste, ses amis et camarades, assumant ici et là de grandes responsabilités au sein des appareils. Grâce à son expertise avérée, il a participé à l’élaboration et à la mise en œuvre des tactiques et des stratégies aux côtés des camarades. Il a vécu de l’intérieur les limites et les échecs de ces aventures sans lendemain. Et avec la lucidité d’un jeune premier qui a parcouru monts et merveilles, il en a tiré de grandes leçons : « Il est patent que la vieille opposition a lamentablement échoué et, pire, elle n’a même pas eu la lucidité de faire son aggionamento Or, toute amélioration de ses performances n’est possible que si l’on accepte et reconnaît ses erreurs. L’opposition en rendant, par son irresponsabilité et son … du gain facile, toute impossibilité d’alternance. Je ne pouvais donc me fondre dans une opposition désuète et improductive ». Aveux d’échec ou lucidité tardive ? Tout est dit dans ces propos d’une clarté désarmante.
Mais le plus intéressant à notre avis, n’est-il pas cette différenciation qu’il fait entre ce qu’il qualifie lui-même de « vieille » opposition par rapport à ce qu’il croit incarner lui-même comme « vielle » opposition ? Au fait qui est de la « nouvelle » opposition et qui est relégué à la « vieille » opposition selon les critères de M. Djamen ? La querelle des années, comme l’on disait en littérature à l’époque ou la vieille rengaine du vin neuf et de vieilles outres. Pour la gouverne de notre nouveau président, il faut bien rappeler qu’il y a dans la « vieille » opposition, ce que l’on peut aussi qualifier d’ « ancienne » opposition, avant de s’installer dans la « nouvelle » opposition.
L’ancienne opposition, celle des indépendances avait ses valeurs, ses vertus et ses exigences, avec la particularité qu’elle était animée par des hommes charismatiques aux convictions fortes. Ils avaient en commun l’amour du pays soutenu par un patriotisme et un nationalisme jamais pris à défaut. Ces opposants avaient une très haute idée d’eux-mêmes et des valeurs qu’ils incarnaient. La trahison n’étant pas dans leurs habitudes.
La « vieille » opposition dont fait allusion M. Djamen, celle des années 90 est donc l’incarnation de la description qu’il en fait ci-dessus. Le constat est pertinent et la phraséologie forte à propos. Mais les raisons qu’il donne sont biaisées, car si dans tout ce qui existe au Cameroun comme partis politiques avec des orientations diverses et des idéologies plus ou bien définies, le nouveau président de l’APAR n’a pas trouvé une formation pouvant convenir à ses convictions, c’est qu’il pourrait bien en être le problème. Il lui a fallu beaucoup de temps pour qu’il se rende compte que cette « vieille » opposition est collaborationniste, antinationale. Ses appels et références aux « amis extérieurs et à la communauté internationale » grâce à qui ils pensent accéder au pouvoir en lieux et place du peuple souverain en font de simple pantins ou marionnettes manipulés.
Or le RDPC par exemple, parti du rassemblement, réunit pourtant tout ce dont ce « nouveau » opposant a besoin. La charte du Parti, dans sa première thèse est claire, et pas loin des nouvelles aspirations de M. Djamen. « L’indépendance signifie la conquête permanente par le peuple de sa dignité et de sa liberté, du pouvoir de se dominer de manière autonome, de gérer librement ses propres affaires, en d’autres termes, la conquête du droit d’être maître en tout temps de son propre destin ». Il est étonnant que ces dispositions et bien d’autres contenues dans la charte du RDPC n’ont pas convaincu le nouveau président, pas plus que les 318 autres formations évoluant au pays.
Peut-être qu’ayant parcouru et survolé la plupart de ses formations et n’ayant certainement pas trouvé pointure à ses pieds, il a donc décidé de voler de ses propres ailes. L’adage populaire ne dit-il pas que l’ on n’est mieux servi que par soi-même ? Bon vent M. le nouveau Président de la « nouvelle» opposition.
Par Benjamin Lipawing