Le Président Paul BIYA et les Camerounais ont soufflé samedi dernier sur la 39e bougie de son accession à la magistrature suprême du Cameroun. Alors que la page se tourne ainsi sur cet anniversaire, les regards se projettent déjà sur le quarantième, le 6 novembre 2022 !! Qui l’eut cru? Qui aurait pu parier, le 4 novembre 1982, au moment où Amadou AHIDJO annonçait sa démission au peuple camerounais que son successeur constitutionnel serait à la hauteur de la charge et qu’il braverait tous les obstacles érigés sur son chemin au point de battre des records de longévité au pouvoir? Qui pouvait miser le moindre centime troué sur ce nouveau Président qui, lors de sa prestation de serment le 6 novembre 1982, déclarait de sa voix fluette: « je ne faillirai point »? Ils n’étaient pas très nombreux à afficher un optimisme à tout crin à ce sujet. Ils ont eu tort. Jour après jour, année après année, anneau par anneau, maillon après maillon, Paul BIYA a consolidé son pouvoir pour en faire une chaîne forte et solide qui résiste à la plupart des menaces et des bourrasques.
L’observateur objectif, l’analyste sérieux qui jette un regard rétrospectif sur ces années Biya ne manquera pas de s’exclamer: « quel roman »! Non pas que l’on soit face à une œuvre de fiction ou une narration romancée mais les faits réels, les épisodes vécus, les épreuves subies ainsi que les victoires remportées méritent bien que l’histoire du Renouveau soit classée dans la catégorie de ce que les historiens appellent le « roman national ». En effet, depuis 1982, s’écrit sous nos yeux ébahis un récit à peine exalté et romancé qu’une nation offre à lui-même et au monde de sa propre histoire; laquelle résulte de la compilation d’épisodes historiques plus ou moins héroïques ou légendaires. Dans ce registre, ce story telling, le Renouveau est plutôt bien servi: le complot de 1983, la tentative de putsch de 1984, le faux débat sur la primauté du Parti sur l’Etat, la crise économique, le Vent d’Est, les années de braise, les villes mortes, la conférence nationale, la dévaluation du franc CFA, les victoires sportives ou diplomatiques, le conflit de BAKASSI, BOKO HARAM, les « émeutes de la faim » de 2008, la tentative de sécession des régions du Nord-ouest et du Sud-ouest, etc. Autant d’épreuves qui font penser à un périple, un parcours du combattant. Les plus fervents des supporters pourraient dans leur enthousiasme s’aventurer à parler d’épopée ou d’odyssée. Ils auront d’autant plus raison que les victoires et les acquis sont tout aussi nombreux, notamment dans le domaine de la démocratie, des libertés et des infrastructures.
Tout au long de ce récit plein d’énigmes, d’intrigues et de rebondissements, écrit à plusieurs mains, le président BIYA est néanmoins auteur et personnage central; à la fois concepteur, acteur, réalisateur, metteur en scène. Dans ce scénario, se côtoient allègrement les bons et les félons, les gentils et les traitres, les brigands et les truands, les fidèles et les hypocrites, les zélés et les égarés, les repentis et les affranchis, les idéalistes et les pragmatiques, bref de quoi faire un monde. En plus des dangers potentiels et des menaces réelles, le Renouveau a parfois créé lui-même des épouvantails et des repoussoirs qui assombrissent et ternissent malheureusement son bilan.
Au moment où la quarantième année se profile à l’horizon, il n’est peut-être pas trop tôt pour commencer à imaginer l’épilogue de ce roman national. Gouverner, c’est prévoir…Entre l’hyperbole et la dithyrambe des uns, le négationnisme et le dénigrement systématiques des autres, il existe bien une autre voie; celle du réalisme et de la bonne foi. Le Renouveau est loin d’avoir été un long fleuve tranquille; il n’est pas non plus un mirage féerique ni un cauchemar. Il s’agit modestement d’un projet, politique certes, mais humain mené par des hommes et des femmes, avec ce que cela comporte comme accomplissements et réalisations mais également comme limites et insuffisances. Les lecteurs de ce roman national restent attentifs à la suite et espèrent un happy-end lorsqu’ils arriveront à la dernière page. Et quand apparaîtra la mention « à suivre », car forcément il y en aura une, que cette suite s’écrive à l’encre indélébile de la démocratie et de la liberté, deux des principaux acquis du Renouveau.