C’est ce qui ressort de l’ouvrage intitulé « Théologie, libération et cultures africaines » du journaliste, écrivain et chef traditionnel Benjamin Lipawing, qui est en effet un dialogue sur l’anthropologie négro-africaine, entre le prêtre Engelbert Mveng (assassiné le 23 avril 1995) et lui.
A l’instar du dialogue entre Socrate et Ménon sur la définition de la vertu, Benjamin Lipawing interroge en 231 pages, l’historien, le poète, le peintre et prêtre catholique de la congrégation des Jésuites, Engelbert Mveng, sur la culture africaine, qui subit les effets pervers de la mondialisation. Répartie en deux grandes parties, cet ouvrage conduit le lecteur dans les profondeurs d’un dialogue qui se veut être le testament du regretté Père Engelbert Mveng, sur fond de plaidoyer pour la réhabilitation de l’homme en Afrique et dans le monde. La première partie qui évoque les concepts de théologie et libération, souligne l’impérieuse nécessité de renouveler la spiritualité. Pour l’auteur, le déracinement culturel dans lequel sont formés les ministres de culte africain, les jette désemparés dans un combat spirituel, où souvent ils perdent le contrôle, tout simplement parce que déracinés et dépersonnalisés. Une forme de manducation du pouvoir culturel africain, que Engelbert Mveng, de regrettée mémoire, fustige en ajoutant que « la libération de l’homme africain est essentiellement culturelle ». Les peuples dit-il, possèdent leurs conceptions de l’homme, leurs visions du monde, leurs conceptions religieuses élaborées depuis des siècles, parfois des millénaires, transmises de génération en génération, et qui leurs permet de donner un code de vie et des instruments conceptuels et technologiques, capables de résoudre les problèmes majeurs de leur existence.
Dans la deuxième partie, le livre met en évidence l’univers culturel africain. Il évoque par exemple des questions sur l’histoire africaine, la mort en Afrique, l’identité culturelle et l’art négro-africain que le prêtre Engelbert Mveng explique à partir des interrogations de son interlocuteur. Sa majesté Benjamin Lipawing, qui est entre autres directeur de publication du mensuel panafricain d’analyses politiques et économiques « Amand’la », convoque des auteurs africanistes à l’exemple de l’Egyptologue Cheik Anta Diop, pour démontrer l’élimination par phagocytose des cultures africaines. Dans ce livre qui séduit l’imagination, Cheik Anta Diop dira d’ailleurs « …Que la destruction de la conscience historique a fait partie de tout temps, des techniques de colonisation, d’asservissement et d’abâtardissement des peuples ».
Répondant aux questions sur la démocratie, Engelbert Mveng hisse l’idée selon laquelle, là encore les africains ont été déracinés. « La palabre africaine est une démocratie qui a existé avant même l’époque coloniale. Elle repose sur deux principes fondamentaux que sont le droit à la parole qui est une manière d’exprimer la souveraineté du peuple et la recherche du consensus, qui est l’une des formes originales de la démocratie africaine », indique-t-il. Publié aux éditions Dinimber and Larimber, cet ouvrage a le mérite d’attirer l’attention des décideurs africains sur la nécessité de valoriser davantage les cultures africaines, en ce moment où les Etats du monde utilisent ce que les internationalistes appellent le « Soft power », c’est-à-dire la « puissance douce » telle que la culture, pour s’imposer à travers le monde, et prendre part aux débats qui participent à la reconfiguration de la scène internationale. La Chine à travers la vulgarisation de sa médecine et de la langue (le mandarin) en est une parfaite illustration.
Le livre est disponible dans toutes les bonnes librairies au Cameroun et à la l’étranger au prix de 22 Euros, soit 15 000 FCFA.
Philippe GANFEH