On la croyait immortelle; elle ne l’était pas. On la croyait éternelle tant son règne avait été long: 70 ans! Elle ne l’était pas non plus mais depuis lundi dernier, 19 septembre, elle est entrée pour toujours dans l’éternité et dans l’histoire de l’Angleterre, du Royaume-Uni, du monde et l’humanité tout court. Elisabeth Regina Windsor, couronnée Reine d’Angleterre en 1952 à 26 ans, morte le 8 septembre 2022 à 96 ans, repose désormais dans la crypte du château de Windsor. Au dévouement quasi-sacerdotal de la Reine pour sa charge royale, ses sujets et même les citoyens du monde entier, aristocrates ou roturiers, ont répondu par un engouement populaire et une mobilisation exceptionnelle. Pendant une dizaine de jours, la monarchie et le peuple britanniques ont alors présenté, urbi et orbi, un spectacle digne d’une superproduction hollywoodienne mais dans un élan sincère de compassion et un mélange non dissimulé de tristesse, d’émotions, de faste, de prestige et de solennité. Le tout dans le recueillement, la dignité. Le gotha des têtes couronnées et le gratin des dirigeants du monde entier ont effectué le déplacement de Londres pour rendre un ultime et grandiose hommage à l’illustre disparue qui, de son vivant, faisait déjà partie de l’Histoire.
Elle a donc eu droit à des obsèques planétaires organisées avec une minutie et une précision dignes d’une horloge suisse. Un scénario réglé comme du papier à musique et où rien n’a été laissé au hasard. Au-delà des hommages, du reste mérités, la Couronne n’a lésiné sur aucun moyen, aucun détail et aucun symbole pour mettre en avant l’unité du Royaume, du Commonwealth, de la famille royale ainsi que la stabilité et la capacité de la monarchie à traverser les épreuves. Une promotion en mondovision à laquelle même les anti-monarchistes les plus irréductibles et les républicains les plus radicaux n’ont pas dû être insensibles. Tout ce décorum, cette pompe, cette magnificence, ce protocole strict, ces processions, ces châteaux, ces monuments, ces limousines, ces tenues vestimentaires, ces traditions et ces rites un peu surannés voire anachroniques, aussi impressionnants les uns que les autres, illustrent à suffisance la popularité de la monarque, la puissance d’une institution, l’héritage d’une nation, le savoir-faire d’un pays, la richesse de son histoire, etc.
Au moment de dire et d’écrire: « la Reine est morte, vive le Roi! »; on se surprend à apprécier non sans émerveillement la manière dont la succession a été gérée. Préparée et acceptée longtemps en amont, elle s’est faite au pas de course et sans heurts. Finalement, la célébration de la vie et du long règne de la Reine s’est confondue avec l’avènement du nouveau Roi. Millimétrée, la succession s’est effectuée en douceur; sans secousse et sans transition; dans un enchainé-fondu que ne renieraient pas les meilleurs cinéastes. Les républicains du monde entier et les responsables des dynasties traditionnelles qui composent nos républiques devraient peut-être s’en inspirer pour nous éviter les batailles de succession épiques auxquelles nous assistons si souvent sous nos tropiques. La Reine Elisabeth II, qui a tellement bien fait son job de monarque pendant 70 ans, quitte la scène et l’arène en rendant, à titre posthume, un dernier, loyal et bon service non seulement à la monarchie britannique mais aussi à celles du monde entier. En effet la monarchie sort renforcée de cette séquence funèbre. Dommage que la Reine n’ait pas transmis le secret de sa longévité et de sa popularité aux nombreux dirigeants et têtes couronnées qui ont participé à ses obsèques. Gouverner ou régner: que faut-il choisir? That is the question.
Christophe Mien Zok