La légende de la chanson camerounaise et africaine, auteur (depuis 1971) d’innombrables albums et tubes devenus des classiques pour un bon nombre, a expiré la nuit dernière à l’hôpital Laquintinie de Douala. Quelques collègues se souviennent de lui.
On ne reverra plus sa silhouette filiforme arpenter de temps à autre les escaliers qui mènent au cabinet du secrétaire général du Comité central du Rdpc, lorsqu’il débarquait au Cameroun. Grand soutien du Rdpc et de son géniteur Paul Biya, il ne manquait pas d’occasion pour témoigner sa gratitude au chef de l’Etat. « Je remercie beaucoup le président de la République Son Excellence Paul Biya et son épouse qui ont tout fait pour qu’il aille se soigner en Turquie. Ils ont tout mis en œuvre pour le sauver. Et il se portait déjà mieux, puisqu’il était revenu et suivait en convalescence à Douala », nous confie en larmes hier matin, l’artiste musicien Ama Pierrot, dont le défunt était parrain, et lui le manager parfois.
« Nous étions très proches, c’était un grand frère qui m’a montré pas mal de choses. Nous partagions le même immeuble à Paris, il était mon voisin de palier lorsqu’il vivait avec Cella Stella. J’ai été le seul à partir de Paris pour Istanbul lui rendre visite. Il me disait que c’est grâce au Président Paul Biya qu’il est là », raconte tout aussi bouleversé, Charly Nelle.
« Sa dernière sortie était lors de la célébration de la journée internationale de la femme 2022 que les impôts avaient organisée ici à Yaoundé. Je l’y avais invité. Et lorsque j’avais organisé mon concert au carrousel, il m’avait parrainé en me donnant 5 millions de FCFA, alors que je m’attendais à lui payer son cachet », poursuit Amat Pierrot, inconsolable.
Jointe également au téléphone, Sissy Dipoko est ravagée par la terrible nouvelle. Depuis lors, elle ne s’en remet pas. « Je suis atterrée. C’était comme un parent pour moi, je n’en reviens pas, même comme nous n’avions pas de liens de parenté. C’est l’icône musicale qui nous restait, du moins chez les sawa. Il m’appelait ma fille et moi je l’appelais tonton. Nous suivions l’évolution de sa maladie ici à Douala jusqu’à son départ en Turquie. Nous étions heureux qu’il soit revenu. Le Cameroun vient de perdre une bibliothèque musicale ».
Pour Djene Djento : « Il a révolutionné le makossa, c’était notre marque de fabrique. Tout le monde voulait faire comme lui : l’habillement, la sobriété, l’humilité, l’hygiène de vie comme les stars américaines. Pour le voir, ce n’était pas dans les bars ou les circuits. C’était soit sur scène soit chez lui ».
Mot’a Muenya (l’homme célèbre/distingué, en Duala) a marqué et même impacté la vie ou la carrière de nombreux artistes, du makossa ou de tout autre rythme. Charly Nelle reconnaît que : « C’est quelqu’un à qui j’ai voulu ressembler. Même dans ma façon de composer, j’ai toujours voulu faire comme Ekambi Brillant, en marquant une différence par rapport aux autres ». Atebass, malgré la surprise de la nouvelle : « On a tous voulu à un moment donné être Ekambi. Un grand des grands dans le domaine de la musique. Il a hissé haut le drapeau du Cameroun. Pour celà, il lui faut une reconnaissance digne de son rang ».
Départ surprenant
Alors que tout le monde le croyait remis sur pied, puisque revenu d’Istanbul quelques semaines plus tôt en forme (il y était parti sur fauteuil roulant), c’est dans la stupeur que ses fans vont apprendre son décès. L’artiste musicien Charly Nelle raconte d’ailleurs qu’il s’est entretenu avec son épouse vendredi 9 décembre 2022. Voulant causer avec Brillant, elle lui répondra qu’il a une toux bizarre qui le fatigue et qu’il serait mieux qu’il l’appelle deux ou trois jours après. Puisque sa voix est presqu’inaudible. C’est ce que le concerné s’apprêtait à faire hier matin. Malheureusement, vers 23 h hier, il reçoit la terrible nouvelle. Il avait effectivement été transporté un peu plus tôt dans la journée de ce lundi 12 décembre en urgence, venant de Bonendale dans la banlieue de Douala, où il se reposait chez le peintre Joël Mpando, après un séjour médical en Turquie. Né le 18 juin 1948 à Douala, Ekambi Ekambi Louis Brillant de son vrai nom, compte parmi les musiciens camerounais et africains les plus repris. Par Henri Salvador notamment, qu’il retrouve dans le panthéon de l’éternité.
William MONAYONG