Il est mort le 17 mars 2023 à 77 ans, une semaine avant la célébration du 38è anniversaire du Rdpc, parti auquel il avait consacré un peu plus de la moitié de sa vie. En effet, Jean Bernard Ndongo Essomba, puisqu’il s’agit de lui, était un authentique militant de la première heure. Déjà membre titulaire du Comité central de l’nc en 1984, il s’y maintiendra après la création du Rdpc en 1985, jusqu’à son entrée au Bureau politique en 1996. Il y est resté jusqu’à sa mort, tutoyant les sommets, battant des records de longévité au sein des instances dirigeantes en même temps qu’il accumulait les mandats à l’Assemblée nationale comme d’autres enfilent des perles. Élu pour la première fois député en 1992, il prend dans la foulée la Présidence du groupe parlementaire du Rdpc. Son échec aux primaires de 1997 permettra à Mengolo Avomo Raymond, d’assurer un « intérim » de cinq ans à la présidence du groupe de 1997 à 2002, année où Ndongo Essomba fait son come-back à Ngoa-Ekelle et retrouve naturellement « son » fauteuil de Président. Et depuis 2002 jusqu’à son décès, il était l’inamovible président du groupe Rdpc à l’assemblée nationale. Une telle constance au sommet ne peut se justifier que par la confiance, l’expérience et la fidélité. Il en fallait de la confiance, de l’expérience et de la fidélité pour être le tout premier président du groupe d’un parti jusque-là ultra majoritaire mais disposant désormais d’une majorité relative à l’assemblée nationale à l’ère du multipartisme. Trouver des compromis en évitant les compromissions avec le Mdr de Dakolé Daïssala, puis l’Upc de Kodock ou l’Undp de Bello Bouba relevait de la gageure.
Si Jean Bernard Ndongo Essomba a réussi dans cette délicate mission en politique, c’est parce qu’il était doté d’un talent incontestable dans le domaine du commerce en même temps qu’il était un habile négociateur, qualités qui lui avaient permis de devenir le « Roi du cacao ». Finalement, sa réussite en politique, il la devait à sa success-story dans les affaires en général et dans la commercialisation du cacao en particulier. Indifférent au snobisme, au m’as-tu-vu, aux effets de manches, aux préjugés, à l’esbroufe et au bluff qui sont de règle dans le monde politique, Ndongo Essomba a toujours brillé par son humilité, sa simplicité et sa discrétion. Il aurait pu opter pour le bruit, la gesticulation ou l’agitation comme ces nouveaux riches et parvenus qui écument et encombrent la scène politico-sociale, médiatique et économique.
Il n’a pas attendu, à l’instar de certains, d’être riche ou milliardaire pour s’offrir un mandat électoral comme un jouet ou une distraction. Très tôt, il s’est engagé à la base, menant parallèlement à ses activités économiques une carrière politique bâtie avec patience et opiniâtreté. Il n’était pas un parvenu. Il savait d’où il venait et ne cherchait à écraser personne. Il n’en mettait pas plein la vue aux gens et savait les respecter. Le destin et ses efforts personnels l’avaient déjà servi en termes de fortune ; il ne venait pas se servir ou asservir : il avait pour ambition de servir son terroir, sa Lékié, son parti, le président Paul Biya et le Cameroun. Ses multiples et abondantes œuvres parlent désormais pour lui ; mieux que les déclarations tonitruantes, les envolées oratoires ou les discours enflammés. Il a compris longtemps avant les autres que la politique, la vraie, celle qui se met au service des hommes, est à la confluence de toutes les influences.
Il a bien mérité les hommages que le Rdpc et la République lui ont rendus. Jusqu’au bout, il aura incarné les vertus de partage, de rassemblement, d’unité, de consensus, de justice sociale, de tolérance et de cohésion prônées par le parti de Paul Biya. Comme l’ont témoigné ses enfants et fidèle à la maxime selon laquelle la mort ne surprend point l’homme sage, il a veillé lui-même au partage de son héritage avant sa disparition. Chacun de ses enfants, qu’il soit à « l’intérieur ou à l’extérieur » de la maison, a reçu sa part. Il aurait pu dire : après moi, le déluge. Mais, en bon artisan de la paix, le roi du cacao ne voulait pas de chaos dans sa famille, de son vivant et surtout après sa mort. Vous avez dit : vivre-ensemble ? Il fait mieux : il met en pratique « le manger et l’agir ensemble ». Très belle leçon de la part de celui qui aimait rappeler aux siens que « la sagesse est le don le plus précieux qui soit ». Tel est le vrai héritage, le testament social et politique que laisse Jean Bernard Ndongo Essomba à la Lekie, aux militants du Rdpc et au Cameroun. Bien que tombée en terre, la fève de cacao, qu’il a tant aimée et qui l’a rendu célèbre et riche, fait fleurir, tel le grain de blé, la moisson de l’espoir des hommes et des femmes dans sa famille et au-delà.