Y a-t-il vraiment une saison des meetings au Cameroun? L’activité a l’avantage de défier les saisons: sous le soleil et la pluie, la chaleur et le froid, le business continue au grand dam de ses détracteurs. Et ils sont nombreux. Ce sont d’ailleurs les mêmes qui disent pis que pendre des motions de soutien. À juste titre car un bon meeting commence inévitablement par la lecture du récépissé de déclaration de manifestation et s’achève toujours par la lecture d’une motion et par une marche de soutien. Plus les adversaires de ces modes d’action et de communication politiques s’étranglent, plus les adeptes et les partisans de ces manifestations sont inspirés et innovent. Admirez leur imagination qui frise le génie dans la terminologie: ils sont passés des meetings ordinaires aux mégas, gigas, tera et même peta-meetings. Seule la pandémie du covid a réussi à ralentir l’activité, mais elle a repris de plus belle. Et les contempteurs doivent bien s’avouer vaincus. Plus sérieusement, les meetings n’ont que des avantages sur tous les plans. C’est la raison pour laquelle le Rdpc en a fait l’un de ses modes d’action les plus prisés. On ne coupe pas impunément un cordon ombilical.
Au plan politique d’abord, tout le monde y gagne à commencer par la hiérarchie du Parti. Quand il ne s’agit pas de meeting de clôture d’une réunion statutaire ou ponctuelle d’un organe du parti, ces rencontres sont organisées à la suite d’un acte de nomination ou d’une importante décision du président de la République. Pour le militant honoré par la haute marque de confiance du Chef de l’Etat ou la communauté dont la doléance a obtenu une réponse favorable, il s’agit d’exprimer la gratitude à l’auteur de l’acte: le Président Paul Biya. Dans un domaine où l’ingratitude est parfois la chose la mieux partagée, cette courtoisie républicaine et militante est à encourager. Pour le Président national qui reçoit ainsi le témoignage de satisfaction, de soutien, de déférence et les remerciements des militants, des sympathisants et des populations, c’est un bon retour en termes de cote de sympathie, d’amour, de popularité et d’adhésion à sa politique. Pour le parti dans son ensemble, c’est une occasion supplémentaire de mobilisation et d’animation des militants autant qu’un baromètre de vitalité et de maitrise du terrain. Le dialogue permanent entre la base et le sommet constitue ainsi un indicateur de la bonne santé du parti. Pour les militants de base, ces retrouvailles représentent autant de moments de formation, d’information, d’apprentissage et de raffermissement de la foi militante. Dans tous les cas, chaque fois que le parti peut montrer ses muscles, bomber le torse et impressionner la concurrence, il ne doit pas s’en priver. Ces démonstrations de force sont nécessaires, opportunes et légitimes en ce qu’elles constituent des vecteurs de messages divers et des tribunes d’expression pour toutes les catégories de militants. Ce brassage est l’Adn du parti de rassemblement qu’est le Rdpc.
Au plan économique, les meetings offrent des opportunités d’affaires à toutes sortes de prestataires et d’opérateurs. Du sérigraphe qui confectionne les banderoles et les tee-shirts aux transporteurs qui louent des bus aux organisateurs en passant par les fournisseurs de tentes, de chapiteaux, de chaises et les restaurateurs, ces réunions politiques font tourner l’économie locale et au-delà. Que serait aujourd’hui un rassemblement politique de grande envergure sans les préposés au protocole, la sécurité et les incontournables hôtesses? Tous ces services à valeur ajoutée ont un coût. Et c’est bon pour le tissu économique.
Sur le plan culturel enfin, de nombreux artistes y trouvent une excellente tribune pour leur promotion. Certains n’ont jamais eu l’occasion de se produire devant un public aussi nombreux. Au diable les grands sentiments! Que dire des espèces sonnantes et trébuchantes, de préférence des grosses coupures, récoltées lors des séances de « farotage » volontaires ou imposées aux hautes personnalités présentes à la tribune d’honneur? Les membres d’honneur et les grands militants doivent être de bons… donneurs d’exemples en cash.
Autant dire que malgré les critiques et les railleries, le Rdpc a fait de l’organisation des meetings politiques une tradition et une stratégie de sa relation privilégiée avec les militants et les populations qui le lui rendent bien en termes de soutien et d’expression des suffrages dans les urnes. Pour toutes ces raisons et bien d’autres, les meetings ont encore de beaux jours devant eux. Tant que le gain politique est au rendez-vous, pourquoi changer? Par définition, on ne change pas une stratégie qui marche et qui gagne.
Des meetings comme s’il en pleuvait
