La République s’apprête à rendre un digne hommage à NI John FRU NDI, Chairman du Social Democratic Front (SDF), qui sera conduit à sa dernière demeure samedi prochain dans son village natal à Baba, non loin de Santa, département de la Mezam, région du Nord-ouest. Il aura certainement droit à des obsèques officielles avec tous les honneurs qui s’y rattachent. Et ce sera mérité, pour cet acteur de premier plan de la scène politique camerounaise depuis une trentaine d’années. Ancien militant de l’UNC et du RDPC, NI John FRU NDI a subi les affres et les rigueurs, les déboires et les déceptions de la démocratie balbutiante à l’intérieur du Parti lorsqu’il a été battu aux élections à l’occasion du renouvellement des bureaux des organes de base en 1986. Ce revers lui a permis de sortir des rangs du parti au pouvoir et de se découvrir une vocation et un destin d’opposant. À ce titre, il aura contribué, avec la création et le lancement du SDF dans les circonstances que l’on connaît, à la consolidation de la démocratie et à la promotion des libertés publiques et des droits de l’homme au Cameroun, options initiées et prônées par Paul BIYA dans le cadre de son projet de Renouveau national dès 1982.
Son heure de gloire arrivera en 1992 lorsqu’il termine en deuxième position de la toute première élection présidentielle de l’ère du multipartisme. Il en conteste les résultats avec véhémence, sans compromettre pour autant le destin du pays, mais reprend rapidement le combat sur tous les fronts, au point d’accepter d’abandonner la voie insurrectionnelle pour entrer dans le cadre institutionnel, à la faveur de la démocratie apaisée proposée par Paul BIYA dès 1996. Bien qu’intransigeant ou radical avec ses convictions, notamment le retour au fédéralisme, John FRU NDI est resté républicain et patriote. S’il y avait une épitaphe à apposer sur sa tombe, elle est tout trouvée: « ci-gît un opposant farouche et radical, républicain et patriote dans l’âme et dans l’esprit ». On connaît déjà celle de Paul BIYA édictée par lui-même le 21 juillet 1990: « ici repose l’homme qui avait pour ambition d’apporter la démocratie et la prospérité au Cameroun ».
Au moment où le Chairman entame son voyage vers l’éternité sous la menace de séparatistes bornés et aveuglés par leur folie meurtrière, l’actualité de ces dernières semaines à l’intérieur d’un parti connu pour ses outrances et ses oukases envers la République nous montre le vrai visage de certains hommes politiques qui restent sourds et aveugles face à la réalité, au point de ne pas vouloir ou pouvoir tirer des leçons du passé. Il aura fallu cinq ans et l’exclusion fracassante d’une militante pour que le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC)-puisqu’il s’agit de lui- soit confronté à ses propres contradictions. Cette militante, qui faisait partie du collège des avocats ayant plaidé avec zèle devant le Conseil constitutionnel lors du contentieux électoral et soutenu la thèse de « la victoire volée », reconnaît que le candidat de son parti ne peut pas avoir gagné cette élection. Et pourtant on l’appelait président élu! Quelle imposture! Quelle forfaiture! Dire que des Camerounais ont perdu la vie, d’autres croupissent encore en prison et des ambassades camerounaises ont été pillées et saccagées en Europe au nom de cette hérésie!
Quelle épitaphe sera alors inscrite sur la tombe de ceux-là qui ont voulu entraîner et plonger la République dans l’abîme à cause de leur soif inextinguible de pouvoir? On leur laisse le choix entre: « on peut s’éteindre sans avoir été une lumière » sur le plan politique ou bien: « j’étais un être superficiel; aujourd’hui, j’ai gagné en profondeur ». Mais il sera trop tard. RIP, Chairman!
Par Christophe Mien Zok