Une trentaine de morts, une dizaine de personnes disparues, une vingtaine de blessés, plus d’une cinquantaine de familles touchées et déplacées; tel est le lourd bilan des éboulements survenus le 8 octobre dernier à Mbankolo, un quartier de la capitale Yaoundé. Une dizaine de jours plus tard, le traumatisme hante et obsède encore les esprits. Comme d’habitude en pareilles circonstances, les Camerounais ont préféré se voiler les yeux devant ces catastrophes à répétition en versant dans le dilatoire et la polémique. Avant Mbankolo comme à Ngouache, on se réfugiait derrière la débrouillardise et les conditions de vie misérables de certaines couches de la population pour justifier ces drames. Les plus cyniques s’empressaient de donner une connotation tribale à la tragédie et cela coupait court à toute tentative de s’interroger sur les véritables causes et de rechercher des solutions pérennes.
Mbankolo n’a pas échappé à ce mode opératoire. Alors que les opérations de sauvetage et les recherches se poursuivaient encore sur le terrain, les apprentis-sorciers des réseaux sociaux tenaient et brandissaient un bouc émissaire tout trouvé: le secrétaire général adjoint du Comité central du Rdpc, par ailleurs ministre du Travail et de la sécurité sociale. Bien évidemment, l’objectif était de le designer à la vindicte publique et au lynchage médiatique sur le bûcher des réseaux sociaux. La technique est connue et bien rodée. Il s’agit d’une tentative éhontée et maladroite de distraction et de diversion. Comme si le fait de designer un « coupable » factice et fictif pouvait réparer le préjudice subi par les victimes et leurs familles!
Malheureusement pour nos vilains apprentis-sorciers, le mensonge et la manipulation ont de courtes jambes et on les rattrape toujours facilement. Leur stratagème n’a pas résisté à la réalité des faits, aux images et aux témoignages de terrain. Le coupable idéal, le bouc émissaire désigné n’est impliqué, ni de près, ni de loin, dans cette catastrophe. Circulez, il n’y a rien à voir! Pendant que l’opinion publique rongeait l’os qui lui avait ainsi été jeté en pâture, les vrais coupables, les premiers responsables étaient pourtant là, sous nos yeux et à portée de main. C’est un mélange infect de renoncements, de laxisme, d’atermoiements, de procrastination et de tolérance sur le plan administratif, individuel et communautaire.
Les Camerounais ont pris la mauvaise habitude de croire qu’ils peuvent jouer impunément avec le feu sans se brûler. Chaque jour, ils repoussent les limites de l’inacceptable, de l’intolérable; ils refusent de se soumettre aux normes, aux règles, aux procédures. Il en est des règles d’urbanisme comme du code de la route, de l’alimentation ou de la santé. Personne ne respecte rien et lorsque le drame survient, ils sont les premiers à s’indigner et à crier à leur abandon par les pouvoirs publics. Lorsqu’on passe le temps à jouer avec le feu, on ne doit pas être surpris si quelques étincelles ou flammèches finissent par vous atteindre. Lorsqu’on danse au-dessus d’un volcan en éruption, soit on tombe dedans, soit on est asphyxié par les gaz émis.
C’est dire que la protection civile a encore du travail dans notre pays. Malgré la mauvaise foi de quelques citoyens, les tentatives de manipulation de certains leaders d’opinion et d’associations, les pouvoirs publics doivent continuer la sensibilisation. Les populations de leur côté doivent accepter d’appliquer et de respecter les lois et les règlements. « L’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite est liberté », disait Jean Jacques Rousseau dans le Contrat social. Il n’y a point de liberté sans loi. Les Camerounais devraient l’admettre une fois pour toutes. Et alors les morts de Mbankolo ne seront pas morts pour rien.
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