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L'Editorial

Les illusionnistes

La marche était trop haute ; le Nigéria plus fort, beaucoup plus fort, maître de son jeu et plus conscient de l’enjeu. Logiquement, les Lions Indomptables du Cameroun ont été éliminés en huitièmes de finale samedi dernier de la 34ème édition de la Coupe d’Afrique des nations de football par les Super Eagles du Nigéria. La qualification obtenue in extrémis au deuxième tour au terme d’un match héroïque contre la Gambie avait fait illusion et entretenu les espoirs des supporters. Ce fut un feu de paille. La désillusion n’en est que plus brutale. Contre le Nigeria, les Camerounais qui avaient encore des doutes sur le niveau actuel de leur équipe nationale ont vu l’écart abyssal entre les Lions indomptables et les Super Eagles. Ils ont compris que le fighting spirit, le hemlè sont certes importants mais ne suffisent pas toujours pour gagner tout le temps.
Les poulains de Song constituent individuellement et collectivement un condensé de tares. Trop de déchets dans le jeu. Trop de lacunes. Trop de limites physiques. Trop de suffisance et de condescendance de la part de certains joueurs dont les insuffisances tactiques et techniques sont pourtant criardes. Trop fébriles en défense. Trop maladroits en attaque. Trop impuissants. Trop domptables et logiquement domptés. Trop d’approximations et de tâtonnements dans le coaching. Au niveau de l’environnement et de l’encadrement, trop de bruits, de faits divers et de querelles peu propices à la concentration et à la performance, même si l’on a noté des améliorations dans la préparation administrative des compétitions et la gestion des primes des joueurs.
Il est cependant temps de l’admettre même si la réalité est difficile à digérer : en matière de résultats sur le terrain, malgré quelques coups d’éclats épisodiques, les Lions Indomptables connaissent un lent déclin et un passage à vide depuis une dizaine d’années. Le diagnostic ci-dessus ne relève pas de l’acharnement, de la mauvaise foi ou de la calomnie. Les faits et les statistiques parlent d’eux-mêmes : contre le Nigéria, combien de fois les Lions ont-ils tiré au goal ? Combien de ces tirs étaient cadrés ? Combien de fois ont-ils été signalés en position de hors-jeu ? Combien de corners ou de coups-francs ont-ils obtenu ? Autant d’indicateurs de la pauvreté et de l’indigence de la production dans le jeu dont l’un des indicateurs majeurs et constants reste ces passes en retrait ennuyeuses et systématiques, même en phase offensive. Vous ne pouvez pas marquer des buts si vous passez votre temps à jouer vers l’arrière.
L’échec de la campagne ivoirienne doit servir de leçon, de sursaut et de catalyseur pour les victoires futures. Le temps est venu de cesser de regarder dans le rétroviseur. Le Cameroun dispose de l’un des meilleurs palmarès du football africain. Cela est indéniable et indiscutable. Mais pour retrouver le lustre et les lauriers d’antan, il faut regarder vers l’avant, se projeter, anticiper, améliorer l’organisation, cesser la navigation à vue, ouvrir en urgence les chantiers du présent et de l’avenir avec un échéancier et un chronogramme bien précis. Les dirigeants de la Fecafoot devraient, aujourd’hui et demain, faire preuve de plus de modestie et d’humilité. La fédération n’est pas une citadelle assiégée, une forteresse imprenable qui fonctionne en marge des Lois et des règlements. L’organisation du sport en général, du football en particulier, fait partie des missions de service public. L’Etat ne peut pas investir autant d’argent dans un secteur et ne pas y exercer son droit de regard ou de régulation.
Le temps est venu pour que tous les acteurs du football camerounais travaillent en synergie, avec professionnalisme, objectivité et rigueur, de la détection à l’organisation des compétions en passant par la formation des joueurs et des encadreurs, le management des clubs, etc. En lieu et place de la reconstruction évoquée ces derniers jours comme cache-sexe ou mesure cosmétique pour justifier l’échec de la Can 2023, il serait plutôt souhaitable de parler et de mettre en place une véritable et sincère REFONDATION du football camerounais. L’échec n’est pas rédhibitoire. On peut s’en relever à condition de faire le bon diagnostic et de s’en donner les moyens. Dans quelques mois commencent les qualifications de la coupe du monde 2026. Le Cameroun est dans le même groupe que le Cap Vert et l’Angola, deux pays a priori « petits » mais qui eux sont qualifiés pour les quarts de finales de la Can ivoirienne. À bon entendeur…

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