Les jeux olympiques s’ouvrent ce vendredi 26 juillet à Paris avec une délégation camerounaise composée d’une demi-douzaine d’athlètes à peine. Avec une représentation aussi squelettique, bien malin qui peut s’aventurer à pronostiquer le nombre de médailles escomptées au terme de la compétition. La moisson aurait sans doute été plus abondante si le Comité international olympique (Cio) avait retenu parmi les disciplines au programme une spécialité camerounaise bien connue : la mauvaise foi. Dans ce domaine où ils sont représentés en très grand nombre et affichent une forme…olympique, ces « athlètes » camerounais d’un autre genre réalisent des performances dignes des records mondiaux, en s’affranchissant allègrement de toutes les règles morales, éthiques et de bienséance. Ces derniers temps, à coups de piques, d’escalades verbales, d’escarmouches ou de polémiques dans l’invective, on atteint les pics et les sommets : toujours plus haut, plus loin et plus fort, selon la devise olympique. À ce petit jeu, sportifs et spectateurs méritent tous la médaille d’or.
Personne ne sait encore si les acteurs observeront une trêve pendant les jeux mais la compétition de mauvaise foi peut continuer. Un seul exemple pour servir d’illustration : l’arrêté signé le 16 juillet par le préfet du Mfoundi et menaçant d’interdiction de séjour dans le département toute personne qui « appelle au soulèvement contre les institutions de la République ; outrage dangereusement les institutions ou celui qui les incarne (par tout moyen de communication suivi dans le département) ; entreprend des manœuvres pouvant entraîner des graves troubles à l’ordre public ». Face à la levée de boucliers et au tollé quasi général suscités au sein de l’opinion, le préfet a cru devoir préciser sa pensée en expliquant que « le maintien de l’ordre est d’abord une action préventive ». Prévenir vaut mieux que guérir, dit l’adage. En d’autres termes, ceux qui n’ont pas de mauvaises intentions n’ont pas à s’inquiéter outre mesure de cet acte préfectoral.
Quelques jours plus tard, comme pour rassurer davantage les acteurs politiques, le ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, a publié un communiqué pour leur rappeler que « les Camerounais peuvent s’exprimer sans aucune contrainte, approuver ou désapprouver l’action des pouvoirs publics, faire connaître leurs points de vue sur l’ensemble des questions ayant trait à la vie de la nation. » Après cette position de principe qui est la règle en démocratie, le ministre corrobore les propos du préfet et rappelle aux uns et aux autres « qu’il est inacceptable que des compatriotes, fussent-ils des leaders des partis politiques ou d’opinion, usent de propos irrévérencieux, injurieux voire offensants à l’égard de celui qui préside légitimement et avec bonheur aux destinées du Cameroun. » Des écarts de langage et de comportement que le gouvernement « désavoue et condamne avec force » avant d’en appeler à la « retenue et au sens de responsabilité de tous dans l’exercice du droit légitime de la liberté, qui ne saurait verser dans l’outrance et l’outrage ».
Plutôt que de pousser des cris d’orfraie, de se draper dans l’indignation sélective, la classe politique camerounaise, toutes chapelles confondues, devrait donc se regarder dans un miroir. Même si « les laideurs n’aiment pas les miroirs », selon Victor Hugo, elle verrait que l’image et le spectacle offerts aux Camerounais sont de piètre qualité. À défaut d’un code éthique et de bonne conduite devant régir les rapports entre les acteurs, les pouvoirs publics sont bien obligés d’utiliser en même temps la carotte et le bâton. Quiconque veut gouverner devrait se servir simultanément des deux leviers que sont une main de fer dans un gant de velours. La main de fer sert à prévenir tout risque de trouble à l’ordre public et à préserver la puissance publique, garante du bon fonctionnement des institutions et de la paix sociale. Le gant de velours est destiné à passer la pommade, à mettre du baume au cœur des populations par des actes et des réalisations d’intérêt général.
En cette période olympique et avant les prochaines échéances électorales, vivement que les acteurs de la scène politique camerounaise fassent de plus en plus preuve d’un calme…olympien.