Les amateurs de film western trouveront certainement des similitudes entre le titre de cette chronique et « Le Bon, la Brute et le Truand », un film ouest-germano-hispano-italien réalisé par Sergio Leone et sorti en 1966, qui met en lumière la vie de trois aventuriers qui se disputent pendant la guerre de sécession aux Etats-Unis, le secret de la cachette d’un trésor volé à l’armée confédérée.
Mais, ne vous y méprenez pas, « Toute ressemblance avec des faits et des personnages existants ou ayant existé serait purement fortuite et ne pourrait être que le fruit d’une pure coïncidence ».
Pour revenir à nos … moutons, au moins cinq hauts responsables de Glencore, la firme anglo-suisse spécialisée dans le négoce de produits pétroliers ont comparu mardi 10 septembre dernier devant le tribunal de Westminster à Londres au Royaume-Uni. Dans le viseur de ce procès qui était aussi attendu que redouté au Royaume-Uni, en Suisse et dans un peu plus d’une demi-douzaine de pays africains dont le Cameroun, de grosses révélations sur l’identité des responsables camerounais présumés corrompus de la Société nationale des hydrocarbures (Snh) et de la Société nationale de raffinage (Sonara), de même que des cadres de Glencore devront répondre des charges de corruption. Celles-ci portent sur quelque 79,6 millions de dollars US (près de 47 milliards de FCFA) de pots-de-vin que la firme aurait versés à des hauts fonctionnaires africains. En 2022, Glencore a été condamné aux États-Unis et au Royaume-Uni après avoir avoué avoir corrompu dans plusieurs pays et ce, pendant plus de 10 ans, des fonctionnaires pour obtenir des contrats ou éviter des audits. Au Cameroun, les pots-de-vins avoués par Glencore s’élèveraient à plus de 10,6 millions d’euros (7 milliards de FCFA) versés entre 2011 et 2018. Pendant cette audience d’identification, les cinq responsables de Glencore ont tous plaidé coupable, le juge a renvoyé l’affaire devant la Crown Court de Southwark et la prochaine audience est prévue pour le 8 octobre 2024.
Pour mémoire, l’affaire Glencore est l’histoire d’un gros scandale de corruption impliquant des responsables de la firme anglo-suisse Glencore Plc et de hauts cadres de sociétés pétrolières en Afrique et en Amérique latine. Entre 2007 et 2018, Glencore a versé des pots-de-vin à des fonctionnaires employés par ces sociétés intermédiaires, en contrepartie de l’obtention des faveurs et privilèges dans la négociation de contrats pétroliers et l’achat de pétrole brut à ses partenaires à des prix qui étaient en sa faveur.
Les noms de deux entreprises publiques camerounaises ont été cités dans cette affaire de dessous-de-table : la Société Nationale de Raffinage (Sonara) et la Société nationale des Hydrocarbures (Snh). Même si celles-ci préfèrent laisser la justice suivre son cours, la Snh, par la voix de son administrateur-directeur général, le ministre Adolphe Moudiki, affirmait le 2 août dernier dans un communiqué que « les dirigeants et employés de la société Glencore, auteurs des actes de corruption commis au détriment de la SNH, ont été identifiés, et comparaitront devant le Tribunal de Westminster à Londres, le 10 septembre 2024. Cette information, qui vient d’être rendue publique, marque une avancée significative dans la recherche de la vérité dans cette scabreuse affaire. La SNH, qui a introduit une plainte devant le Tribunal criminel spécial (TCS) le 6 novembre 2023, pour identifier les complices camerounais de ces actes de corruption, est confiante que l’issue de la procédure à Londres permettra l’accélération des enquêtes au niveau du TCS », peut-on lire dans un communiqué publié le 2 août 2024. Position d’ailleurs réitérée dans un autre communiqué publié hier, 10 septembre 2024.
Il y a quelques mois en effet, le Président de la République, Paul Biya avait décidé que le Cameroun se porterait partie civile dans les procès en Suisse et en Angleterre impliquant Glencore. Cette décision avait été tout de suite mise en exécution par le gouvernement camerounais via le ministre des Finances, Louis Paul Motaze, à travers la défense des intérêts du Cameroun dans ces affaires judiciaires.
Cette décision qui a été fortement saluée par les Camerounais de tous bords, s’inscrit dans la volonté jamais démentie du gouvernement camerounais de lutter contre la corruption et de recouvrer les avoirs qui auraient été détournés au détriment du trésor public.
La décision du gouvernement camerounais d’ester cette entreprise en justice est donc en tous points, une étape importante dans la protection des intérêts économiques du Cameroun face aux dérives de certaines entreprises étrangères. Elle démontre de ce fait la détermination constante du gouvernement à défendre les ressources et les revenus du pays. Tout porte à croire qu’en s’associant aux poursuites judiciaires en Suisse et en Angleterre, le Cameroun n’entreprend pas une simple chasse aux sorcières, mais compte récupérer les fonds détournés et défendre ses intérêts financiers qui auraient été lésés par les manœuvres illégales de Glencore.
Au-delà du volet judiciaire, le Cameroun souhaite visiblement tirer les leçons de cette affaire pour renforcer la gouvernance de ses industries extractives et améliorer la transparence des transactions financières impliquant des multinationales. A noter qu’un assainissement du secteur des industries extractives contribuerait à restaurer ou du moins conforter la confiance des investisseurs et des citoyens dans la gestion des finances publiques.