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Quand le chien mordra…

Avec la régularité d’un métronome, la Commission nationale anti-Corruption (Conac) présente chaque année son rapport sur l’état de la corruption au Cameroun au cours d’une cérémonie officielle assez courue. Chose suffisamment rare sous nos cieux, la présentation donne lieu à des échanges contradictoires et à des questions parfois embarrassantes. Malgré son aspect répétitif et quelque peu lassant, l’exercice, qui rappelle un peu le mythe de Sisyphe, a le mérite d’exister et de donner, année après année, un aperçu des efforts fournis mais aussi des difficultés rencontrées dans le domaine de la lutte contre la corruption.

Le rapport 2023, présenté jeudi dernier, contient ainsi des informations de première main ainsi que des perles étonnantes. Comment comprendre par exemple que « les demandes de contribution adressées au ministère de l’Administration territoriale, au ministère de l’Eau et de l’Energie ainsi qu’à la Délégation générale à la sûreté nationale sont restées sans suite », si l’on s’en tient à un extrait du rapport ? Qui, mieux que les autorités administratives et la police, devrait épauler la Conac dans ses missions sur le terrain ?

Qu’à cela ne tienne, la lutte contre la corruption, ce fléau qui freine les efforts de développement du pays, fait son petit bonhomme de chemin. Des avancées significatives sont ainsi enregistrées comme l’attestent les chiffres suivants : 9925 agents publics ont écopé de sanctions administratives allant de l’avertissement au licenciement, le nombre de dénonciations reçues à la Conac est passé de 7061 en 2022 à 7548 en 2023 ; le préjudice financier subi par l’Etat du Cameroun à l’issue des missions d’enquête de la Conac est évalué à près de 70 milliards de francs cfa. Ce montant passe à un peu plus de 114 milliards lorsqu’on y ajoute les décisions du Conseil de discipline budgétaire et financière et celles du Tribunal criminel spécial en 2023.

Autre avancée et non des moindres : « pour la première fois en 2023, la Conac a reçu du Procureur général près le Tribunal criminel spécial l’état des restitutions du corps du délit dans le cadre de onze procédures traitées au sein de cette juridiction ». Montant déclaré dans cette rubrique : 1.477.917.993 francs (un milliard quatre cent soixante-dix-sept millions neuf cent dix-sept mille neuf quatre-vingt-treize). Pour finir avec les chiffres, signalons les 7.018.325.423(sept milliards dix-huit millions trois cent vingt-cinq mille quatre cent vingt-trois) francs issus du recouvrement des créances effectués par la Société de recouvrement des créances du Cameroun (Src) au terme de six décisions de justice relatives à des détournements de biens publics.

Ces chiffres sont certainement loin de traduire la réalité de l’état de la corruption au Cameroun mais ils ont l’avantage de montrer l’ampleur du fléau et le chemin qui reste à parcourir pour parvenir à des résultats plus satisfaisants. Le président de la Commission nationale anti-corruption en est conscient car, à une interpellation d’un participant à la cérémonie, il a donné la réponse suivante : « la Conac aboie mais ne mord pas encore ». Effectivement, le chien de la Conac aboie mais la caravane de la corruption continue de passer et de causer des dégâts énormes. Après toutes ces années de pédagogie, le temps est sans doute aucun venu pour la Conac de commencer à montrer les crocs et à mordre. Toutefois, elle ne doit pas être le seul chien méchant dans cette difficile battue, puisque les gibiers sont très nombreux et certains ont des crocs plus longs et pointus que ceux des chasseurs !

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