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Budget : La qualité ou la quantité…

Quelle sera l’enveloppe budgétaire allouée aux institutions et aux services de l’Etat pour l’année 2025 ? La question est d’une importance capitale au regard des échéances élec- torales prévues l’année prochaine mais aussi et surtout des attentes urgentes et des besoins aussi croissants que nombreux des populations camerounaises. Le Budget est l’instrument privilégié qui permet au gouvernement de donner une réponse concrète à la demande sociale. Voilà pourquoi la session parlementaire consacrée au vote du budget de l’Etat est un grand moment de démocratie entre d’un côté les membres du gouvernement et les élus du peuple : échanges, partage, négociations derrière les rideaux ; confrontation, in- terpellations et altercations sur la place publique, etc. Les hémicycles sont alors transformés en prétoires avec effets de manches ou en rings sans coups de poings mais avec des jeux de mots parfois violents. Alors que le projet de de loi des finances n’est pas encore déposé sur la table des députés et des sénateurs, les camps s’échauffent déjà, fourbissent leurs « armes » et affûtent leurs arguments. Les grandes manœuvres mijotent à petit feu dans l’arrière-cuisine des groupes parlementaires.

Le gouvernement aura certainement à répondre du non-respect du projet de loi des finances dans les délais prévus par la loi, soit quinze jours avant le début de la session. Il n’échappera pas non plus au sempiternel débat sur l’exécution du budget, son déséquilibre structurel chronique avec des dépenses de fonctionnement toujours plus élevées que les dépenses d’investissement la faible consommation des crédits, etc. Quelques chiffres non officiels pour illustrer cette tendance : le budget d’investissement est passé de 25,9% en 2009 à 18% en 2022. Pendant ce temps, la part al- louée au fonctionnement est passée de 74,1% en 2009 à 81,95% en 2022.

La récente « polémique » entre un maire Rdpc et le ministère des Enseignements secondaires jette une lumière crue sur ce déséquilibre structurel chro- nique. Dans sa réponse au maire, le Minesec, dont la prompte et diligente réaction mérite d’être saluée, écrit : « S’agissant de la structure du budget du Minesec qui fait partie de la loi de finances publiée par le chef de l’Etat, il ne vous a pas échappé que les dépenses de personnel représentent 87% des 539,142 milliards FCFA de l’exercice 2024. Lorsque vous prenez en compte les crédits de fonctionnement incompressibles qui sont délégués aux 2920 établissements scolaires (…), l’Etat n’a pas pu allouer plus de 2,6 milliards aux compétences trans- férées aux Régions. » Comment peut-on assurer la pérennité, la viabilité et l’efficacité de l’école publique et républicaine si les investissements ne sont pas à la hauteur des en- jeux d’aujourd’hui et des défis de demain ?

Conscient du fait que ces statistiques ne respectent pas encore les engagements pris, le minis- tre des finances a annoncé une augmentation à hauteur de 25% des dépenses d’investissement dans le budget 2025 au cours d’un conseil de cabinet consacré aux derniers arbitrages de la loi des finances avant l’approbation de la Présidence de la République. On reste encore loin du compte puisque la Stratégie Nationale de Développement (Snd 30) a prévu un taux d’investis- sement de 40%. Le gouvernement, lui, s’était engagé devant le parlement lors du débat d’orien- tation budgétaire (Dob) pour un taux de 30%.

Bon an mal an, les mêmes préoccupations et critiques reviennent donc sur l’exécution du bud- get de l’Etat : faible consommation des crédits d’investissement, lenteurs dans les décaisse- ments, bureaucratie interminable et paperasserie excessive, projets mal exécutés ou abandonnés, retards de paiement des prestations, etc. Or, l’exécution du budget d’investissement public (Bip) est loin d’être une fatalité. La performance peut être améliorée pour peu que l’or- thodoxie, la rigueur, le strict respect des procédures soient observés.

En fin de compte, ce n’est pas le montant total de l’enveloppe budgétaire de l’Etat qui importe mais la qualité de la dépense et l’usage qui est fait des crédits effectivement disponibles pour répondre concrètement et rapidement à la demande sociale. Tout le reste n’est qu’un débat de théoriciens.

Par Christophe MIEN ZOK

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