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Humeur: Le temps des dealers

Devant nos yeux ébahis, la diplomatie, métier qui rimait jadis avec raffinement, courtoisie, bonnes manières et élégance, est en train de perdre ses dernières lettres de noblesse. Certes, face à la prolifération de foyers de tensions et de conflits non résolus à travers le monde, elle perdait peu à peu de son lustre et de sa crédibilité. Mais les diplomates continuaient à faire illusion et même de la résistance face aux autocrates, aux militaires, aux va-t-en guerre, aux milices, rebelles, terroristes et autres bandes armées de tous bords adeptes de la politique de la canonnière. Ils y parvenaient tant bien que mal en s’activant dans les coulisses afin de rapprocher les points des vues entre belligérants, à défaut de recoller les morceaux ou d’essuyer les plâtres une fois que les armes se sont tues. Le vrai danger aujourd’hui pour les diplomates de carrière est incarné par les dealers des temps modernes. Il ne s’agit point de cette racaille constituée des caïds de la drogue et des trafiquants de stupéfiants qui pullulent et écument désormais les quartiers des grandes villes dans tous les continents.

Les nouveaux dealers, qui font de la diplomatie comme Monsieur Jourdain faisait de la prose, c’est-à-dire sans le savoir, ont le vent en poupe car ils sont en col blanc; ils occupent des bureaux cossus dans des lieux de pouvoirs et leur mode opératoire repose essentiellement sur le rapport de force, le deal ou le marchandage. Avec eux, tout est  marchandage, troc, etc. À la langue de bois, ils préfèrent de loin le parler cash voire trash et ne dédaignent pas le recours au bras de fer dès lors qu’ils sont assurés d’être les plus forts. Les termes négociation, dialogue, compromis n’existent pas dans leur vocabulaire. Leur langage verbal ou corporel dégage un fort parfum de mépris ainsi qu’une volonté affirmée et manifeste de dominer, d’humilier, de rabaisser l’autre. Les vrais diplomates avaient un langage châtié, raffiné; les nouveaux dealers, érigés en vedettes ou en coqueluches des relations internationales, jurent comme des charretiers, mentent comme des arracheurs de dents, chipotent et pinaillent comme des marchands de tapis. Ils sont prêts à prendre leurs adversaires qui leur résistent comme des marche-pieds ou de vulgaires paillassons.

La diplomatie à l’ancienne est-elle à bout de souffle ou en agonie? En tout cas, elle semble plus que jamais victime des coups de canifs des nouveaux caïds des relations internationales. Le deal est en passe de devenir la nouvelle règle entre nations: « tu me donnes ci, je te donne ça; sinon, je te tords le bras ou je te coupe les vivres. »  La loi du plus fort sera-t-elle toujours la meilleure? Wait and see…L’idylle entre les dealers sans complexe et sans scrupule d’une part et certains dirigeants du reste du monde d’autre part promet et produit déjà des étincelles. Elle risque d’être longue. Et tumultueuse.

Christophe MIEN ZOK

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