La pratique qui voulait que l’argent alloué aux projets sociaux au bénéfice des populations soit remis aux députés, vient de connaître un virage historique. Avec des fortunes diverses pour les élus du peuple.
L’argent ne sera plus remis aux députés ! On revient aux missions fondamentales du député qui sont de voter des lois et de juger avec objectivité, l’action du gouvernement. C’est strictement dans ce cadre que ce dernier doit mettre à leur disposition, des moyens pour qu’ils fassent convenablement ce travail. En clair, le gouvernement va se charger dès lors de réaliser lui-même ses projets. A l’observation, les microprojets transformaient les députés en maitres d’ouvrage des projets du budget d’investissement. Alors qu’ils ne sont pas élus à cet effet. Et même du point de vue de la loi, les réalisations doivent figurer dans le journal des projets du gouvernement.
Nombreux sont certains qui reconnaissent qu’il y avait trop d’anomalies dans cette pratique. D’où la guerre engagée par les députés de la neuvième législature pendant pratiquement tout le mandat pour faire sauter le verrou de cette « histoire ». C’est un combat qui dure quasiment depuis dix bonnes années. « C’est la fin d’un archaïsme en réalité », reconnaît Engelberg Essomba Bengono, député Rdpc de la Mefou Akono. Qui ajoute : « Les députés n’ont plus rien à faire là-dedans. Ils ont besoin de moyens pour exercer leur mandat qui est de légiférer et de contrôler l’action du gouvernement ». Avis partagé par son collègue David Manfouo des Bamboutos, avec une nuance cependant : « Il est une réalité, le député pour un pays comme le Cameroun est à la limite mendiant. Il n’a pas les moyens de sa politique. Le gouvernement devrait par conséquent leur donner un salaire honorable et respectable qui leur permette de tenir un cabinet avec un conseil juridique, des attachés parlementaires et tout le reste. Comme cela se fait dans certains pays en Afrique centrale, pour ne pas aller plus loin ».
Pour d’autres, c’est mal penser de ne plus mettre à la disposition des députés qui n’ont pas de salaires conséquents, les fonds liés aux microprojets parlementaires. « C’est un bonus qui nous permettait de subvenir en temps réel aux besoins de nos populations. Désormais, ce sera compliqué pour nous », affirme un député sous anonymat. Il renchérit en disant que : « Même ce contrôle de l’action du gouvernement n’est pas aisé, parce que le gouvernement ne reste pas toujours ouvert lorsqu’il est sollicité par un député pour « fouiller dans sa poubelle ».
Néanmoins, le député ne va pas pour autant abandonner sa mission d’écoute de la base pour recenser, collecter les besoins de celle-ci, les structurer, les exprimer en besoins budgétisables et les porter à l’attention soit des maires, soit des régions, soit du gouvernement. Ce sont eux qui disposent de moyens pour les transformer en actions concrètes sur le terrain. Bien plus, il faut dire que cette pratique préoccupait à suffisance la hiérarchie du Rdpc, dans le sens de mieux adapter le travail du député. En effet, la profession de foi des candidats du Rdpc pour l’élection législative de 2020 contenait des propositions fortes. C’est ce que le parti avait alors appelé « la modernisation du travail parlementaire », en son premier pilier. Ce dernier avait commencé en juin 2020 en commissions à l’Assemblée nationale. Le deuxième pilier étant de « redorer l’image sociale du député ». Et la suppression des microprojets parlementaires participe de ce deuxième volet. C’est un combat de longue haleine qui vient de connaître son épilogue.
William MONAYONG