Editorial du Journal L’Action 1420
Par Christophe Mien Zok
Qu’elle est loin, la belle époque où les humoristes camerounais pouvaient se permettre de brocarder les traits et les travers de chaque tribu ! Ces sketches provoquaient de franches rigolades et tout le monde riait jusqu’aux larmes car il n’y avait rien de méchant dans toutes ces blagues souvent de très mauvais goût. Un peuple fort est un peuple capable de rire de lui-même ; on le reconnaît à sa capacité d’autodérision. Dans ce domaine, les Camerounais étaient vraiment forts. On les croyait alors vaccinés et immunisés contre les vacheries et les moqueries de toutes sortes. Et puis, sont arrivés la démocratie et le multipartisme qui ont exacerbé davantage les discours de haine et la xénophobie. Sous l’effet de la concurrence et de la course pour le pouvoir, le politiquement correct a commencé à s’estomper dans l’espace public. On ne pouvait plus rire de tout avec tout le monde. Le boom des réseaux sociaux est venu accélérer le phénomène à la faveur de la rapidité et de l’anonymat qu’ils offrent.
Désormais, n’importe qui derrière son clavier peut tenir des propos injurieux et haineux sous le couvert d’un pseudonyme. À la veille de chaque grande échéance électorale, l’on assiste à une montée en puissance de ces pratiques nauséabondes caractérisées par des attaques au vitriol, le dénigrement et surtout l’exacerbation du tribalisme. Faute de proposer une idéologie ou un programme politique aux populations, certains leaders politiques alimentent et soutiennent ces discours qui leur semblent être des raccourcis faciles pour accroître leur audience et accéder au pouvoir. Grossière erreur, car dans un pays-mosaïque comme le Cameroun, le repli identitaire et le tribalisme ne garantissent aucune majorité dans les urnes.
En effet, aucune tribu n’est assez forte dans notre pays pour prétendre conquérir et contrôler le pouvoir toute seule sans la contribution et la participation des autres. Il n’en demeure pas moins que la politique est le principal carburant qui alimente les moteurs des discours de haine, du tribalisme et de la xénophobie, même s’il ne faut pas négliger les pulsions primitives enfouies en chaque citoyen. Par conséquent, le combat contre ce fléau doit commencer à l’intérieur des formations politiques à défaut de les voir donner l’exemple. Comment comprendre que la direction d’un parti politique soit composée exclusivement des ressortissants d’une même tribu alors qu’il sollicite clairement les suffrages de l’ensemble des électeurs ?
Le gouvernement a raison d’engager une croisade contre le phénomène mais les mesures administratives, réglementaires et légales ne suffiront pas si on veut l’éradiquer complètement. Les partis politiques sont une fois de plus interpellés en matière de formation et d’encadrement de leurs militants. En attendant, ils pourraient s’inspirer de l’exemple du Rdpc qui prône en toutes circonstances l’unité, le rassemblement, la tolérance… Qui peut nier que grâce à une application exemplaire des dispositions des lois électorales, le parti de Paul Biya œuvre beaucoup en faveur de l’intégration des femmes, des jeunes, des minorités sociologiques et, du même coup, facilite le vivre-ensemble?
Autrement dit, on ne combattra pas les discours de haine avec des…discours et des mots. Aux grands maux, il faut des actes forts et des remèdes appropriés.