Comme tout bon militaire, le Général De Gaulle avait parfois un langage fleuri; c’est le moins que l’on puisse dire. Pour manifester son irritation, exprimer son mécontentement à propos d’un sujet ou d’un problème qui tardait à trouver une solution, ou pour faire bouger les lignes, il disait: « il faut donner un coup de pied dans le pot de fleurs ». L’espace public camerounais est ainsi rempli à sa manière de pots de fleurs tout juste bons pour la décoration ou la figuration. De temps en temps, un bon coup de pied peut être nécessaire pour les renverser afin de remettre en cause aussi bien leur utilité que leur côté agréable. Tant mieux s’ils résistent au choc et tant pis s’ils se brisent en petits morceaux! Qui dit pot de fleurs pense également à ces options fortes, à ces politiques publiques, ces pans entiers du projet de société du président de la République que l’on tend à transformer en gadgets inutiles, en slogans creux ou en vœux pieux. Deux exemples, sans aucun lien entre les deux, pour illustrer l’ampleur du phénomène.
1 – Alors que l’unité nationale reste l’une des options majeures des dirigeants camerounais depuis les indépendances, les discours de haine, d’exclusion et de stigmatisation de certaines communautés fleurissent de plus belle dans l’espace public, médiatique et cybernétique. De partout, poussent des bourgeons vénéneux aux effets dévastateurs dignes d’une éruption cutanée. Ces discours sont devenus de véritables cactus dont les épines n’épargnent personne. Elles piquent, irritent, blessent sans distinction. À terme, elles peuvent provoquer un handicap et un traumatisme préjudiciables à la marche et à la quête du peuple camerounais vers son unité. Il fallait donner un coup de pied dans la fourmilière; pardon dans le pot des vilains cactus. Tel est le sens du communiqué du secrétaire général du comité central du Rdpc adressé en début de semaine aux militants et aux Camerounais de bonne volonté pour « condamner avec la dernière énergie tout ce qui, dans les propos comme dans les actions, tend à semer les graines de la division et de la désunion, par l’instrumentalisation des communautés ». Au-delà de la condamnation, le secrétaire général exhorte les responsables locaux et les élus du Parti au renforcement des « actions de sensibilisation des militantes et des militants sur les vertus et les exigences du vivre ensemble, de la paix, de l’unité nationale, de la stabilité, du respect mutuel, conformément aux idéaux du parti ». Et si la sensibilisation ne suffit pas, le parti recommande aux militants de « recourir à la dénonciation en exploitant judicieusement les dispositions législatives et réglementaires sur le respect d’autrui ». Voilà un bon coup de pied dans le pot de cactus des discours de haine… Va-t-il se briser pour autant? Au moins la volonté et les actes ne manquent pas…
2 – Deuxième exemple où la volonté n’est pas toujours suivie par les actes: le processus de décentralisation. Illustration: les journées internationales des communes du Cameroun (Jeicom) se sont tenues la semaine dernière à Yaoundé sur le thème de la sécurité alimentaire. Les magistrats municipaux camerounais et leurs nombreux partenaires étrangers entendent transformer l’économie de nos terroirs afin de faire de la sécurité alimentaire une réalité et non un slogan de plus. Là encore, un bon coup de pied dans le pot de fleurs est nécessaire pour ramener sur terre ceux qui, à coups de procrastination bureaucratique, d’inertie administrative et de petits calculs mesquins, manœuvrent pour transformer la décentralisation en un serpent de mer ou en un miroir aux alouettes. À travers les Jeicom, les maires du Cameroun veulent donc donner un bon coup de pied au pot de fleurs que tend à devenir la décentralisation du fait de certains esprits étriqués et mal intentionnés tapis au sein de l’administration camerounaise. On verra bien qui aura le dernier mot, entre le pot de terre représenté par la toute puissante et arrogante bureaucratie administrative et le pot de fer constitué par les maires soutenus par la volonté politique et populaire. Qui vivra verra…Quelle que soit l’issue de ce bras de fer, les maires du Cameroun n’entendent plus jouer dans la bataille pour le développement les figurants ou les…potiches!