En dépit de leur rivalité, les deux partis ont toujours œuvré pour la préservation de la paix, propice au bien-être de tous. Au-delà des condoléances, Jean Nkuété a tenu à féliciter les familles biologique et politique de John Fru Ndi, pour le rôle joué par le défunt dans l’atteinte de cet idéal.
Jean Nkuété l’a dit de manière à peine voilée ce jeudi matin, 15 juin 2023 en la résidence du feu Ni John Fru Ndi, sis à Nkolfoulou, une banlieue de Yaoundé : le séjour sur terre du Chairman du Social democratic front (Sdf) a été à la fois long et court. Court de par le nombre d’années vécues ; 82 et long de par ses œuvres ; innombrables et inestimables.
Né le 7 juillet 1941 à Baba II, arrondissement de Santa, département de la Mezam, région du Nord-ouest, le leader charismatique de l’opposition des années 90 à 2000 s’est éteint lundi 12 juin 2023 à Yaoundé, des suites de maladie. Mais avant que la grande faucheuse ne vienne l’emporter, celui qui a challengé le président Paul Biya lors des élections présidentielles de 1992, 2004 et 2011 en occupant à chaque fois le second rang parmi les candidats, a largement œuvré pour son pays, le Cameroun, envers lequel il a voué un patriotisme difficilement égalable.
Avec ses familles biologique et politique et en présence du gouverneur de sa région d’origine, le Nord-ouest, le secrétaire général du Comité central qu’accompagnait une forte délégation du gouvernement du parti de Paul Biya, a ressassé les plus poignants des agissements de cet homme de devoir, en vue d’installer durablement la paix au Cameroun et assurer le bien-être de son prochain.
Fru Ndi, homme de devoir, le Chairman l’a été, d’abord pour son amour pour la paix. « La paix et la dignité naissent à l’instant où l’ambition meurt », disait Edward Young. Pourtant, sans avoir à tuer son ambition pour accéder à la fonction suprême au Cameroun, le leader du Sdf n’a jamais accepté de sacrifier la paix sur l’autel de son ambition politique. Un appel à la culture de la paix prônée depuis belle lurette par le Rdpc et son Président national, le chef de l’Etat, Paul Biya, de qui le Chairman tient sa détermination à « construire le pays avec tous et pour tous », comme l’a fort opportunément rappelé Jean Nkuété. On a encore frais à l’esprit sa réponse, aussi cinglante qu’implacable, à certains pyromanes qui souhaitaient voir le pays à feu et à sang, au lendemain de l’élection présidentielle de 1992, au cours de laquelle Paul Biya avait été réélu avec 39,9 % des suffrages, devant John Fru Ndi, (35,9 %) : « Je ne marcherai pas sur les corps des Camerounais pour m’installer à Étoudi », avait alors rétorqué froidement le Chairman.
Plus tard, c’est également une fin de non-recevoir que le Chairman oppose à certains sécessionnistes qui voyaient en le Sdf, la branche politique toute trouvée de leur mouvement. Même les deux enlèvements dont il sera victime plus tard n’y feront rien. Une culture de la démocratie apaisée, un amour pour la paix et un sens du nationalisme et patriotisme jamais démentis et dont certains leaders de l’opposition gagneraient à s’inspirer, pour le bien-être de tous les Camerounais et la prospérité du pays.
Fru Ndi, homme de devoir, le Chairman l’a été, ensuite, pour avoir très bien compris et assimilé la thèse de Georges Duhamel : « Celui qui parvient à se représenter la souffrance des autres a déjà parcouru la première étape sur le difficile chemin de son devoir », enseigne le médecin, écrivain et poète français dans Paroles de médecin (1944). Au-delà de sa casquette de leader de parti, John Fru Ndi était connu pour son hospitalité légendaire et son sens du partage. Il est de notoriété publique que le patron du Social democratic front ne s’attablait quasiment jamais seul. Il se dit d’ailleurs qu’il faisait égorger deux à trois vaches par semaine, pour nourrir la trentaine de bouches qu’il accueillait quotidiennement autour de sa table.
Fru Ndi, homme d’Etat et de devoir, le Chairman l’a été, enfin, pour avoir compris le … mal fondé de la politique de la chaise vide et entrepris de l’inculquer à ses camarades du Sdf. En effet, après sa défaite à l’élection présidentielle de 1992 et le boycott de la présidentielle de 1997 (malgré les 43 sièges glanés à l’Assemblée nationale lors des élections législatives de la même année), son parti va perdre quelque peu de son allant, pour ne s’en tirer qu’avec 22 sièges aux législatives de 2002. Nonobstant sa non désignation pour être le candidat unique de l’opposition réunie au sein de la Coalition pour la réconciliation et la construction (le choix ayant été porté sur Adamou Ndam Njoya de l’Udc), le Chairman ne manquera plus à aucun scrutin. C’est ainsi qu’il participe tour à tour aux élections présidentielles de 2004 et de 2011, avant de céder sa place à Joshua Osih lors de la consultation de 2018. Il n’aura finalement pas pu prendre part à la très attendue convention élective des 28 et 29 juillet prochains qui devait consacrer le passage officiel de témoin à un successeur que le sort ne lui a hélas pas permis de désigner de manière formelle.
Serge Williams FOTSO