On ne lui donnait même pas six mois à la tête du Cameroun le 6 novembre 1982. Paul Biya en est aujourd’hui à 504 mois, soit quarante-deux ans de magistrature suprême ininterrompue malgré les complots en tous genres, la tentative de putsch de 1984 et les crises multiformes. Sa modestie dût-elle en souffrir, il convient de rappeler que Ahmadou Ahidjo, son « illustre prédécesseur », n’avait passé « que » 24 ans au pouvoir, de 1958 à 1982. Dans ce domaine comme dans bien d’autres, « l’élève » a bien dépassé le « maître » mais là n’est plus le débat ni le plus important. La célébration hier, avec faste et solennité, du 42ème anniversaire du Renouveau, a donné une fois de plus l’occasion aux Camerounais de continuer, à juste titre, de gloser et de disserter sur le bilan de Paul Biya à la tête du Cameroun.
Entre arguments objectifs et arguties subjectives, mauvaise foi et amnésie, tout y passe. Ils lui reprochent, pêle-mêle, le déficit de développement caractérisé par l’insuffisance des infrastructures, les délestages électriques, le mauvais état des routes, la mauvaise gouvernance, les conditions de vie difficiles, etc. Ils lui reprochent des lenteurs en termes de pratiques démocratiques et de respect des droits de l’homme. Ils lui reprochent les difficultés de mise en œuvre des volets rigueur et moralisation de son projet de société et qui se traduisent par la mauvaise gouvernance, la corruption, les détournements de deniers publics. Les acquis et les avancées ? Ils s’en contrefichent. La mémoire des peuples est essentiellement oublieuse et la satisfaction, comme la perfection, reste une asymptote. Avec ce sens de la lucidité et de l’autocritique qu’on lui (re)connaît, Paul Biya n’a pourtant jamais prétendu que tout était parfait. A plusieurs reprises, il a avoué que sa tâche était loin d’être terminée.
On peut tout reprocher à Paul Biya, sauf une chose : il n’a jamais failli à s’appliquer à lui-même et à respecter les règles éthiques et les principes moraux qu’il demandait à ses collaborateurs en particulier et au peuple camerounais en général. Il est resté égal à lui-même : « je n’ai pas changé », avait-il proclamé un jour. Certes, le fait que de nombreux hauts commis de l’Etat et certains de ses collaborateurs parmi les plus proches soient aujourd’hui condamnés à de lourdes peines de prison pour détournements de deniers publics fait désordre. La responsabilité…morale du Président de la République, qui aurait dû veiller à chaque instant afin que personne ne s’égare en quittant le droit chemin, est-elle engagée dans cette faillite ? L’histoire jugera…
En attendant, on peut donc tout reprocher à Paul Biya sauf sa propre constance, son attachement viscéral et sa fidélité personnelle aux valeurs fondamentales et éthiques qu’il a essayé d’inculquer à la société camerounaise. On n’est mieux servi que par soi-même. Hélas, le pouvoir c’est un peu comme le football : malgré les individualités et les solistes, il nécessite un collectif et donne de meilleurs résultats lorsqu’il s’exerce en équipe.
Pour revenir à Paul Biya, il n’aura pas échappé à ses compatriotes et à l’opinion publique internationale qu’il est rarement mêlé aux scandales auxquels semblent être abonnés certains dirigeants africains. Les biens mal acquis ? Le nom de Paul Biya n’y a jamais été cité. Les relations incestueuses entre la France et l’Afrique marquées par le ballet des valises bourrées d’argent destinées au financement des hommes politiques français ? L’auteur d’un récent livre, véritable succès de librairie, que vient de commettre l’un des piliers de ce système, se contente de répondre qu’il n’avait pas de prédilection particulière pour le Cameroun et son Président. La confidence ne vaut peut-être pas absolution ni certificat de probité mais à l’heure du lynchage et du lâchage systématiques des dirigeants africains, on se demande bien pourquoi le chef de l’état camerounais serait épargné s’il y avait quelque dossier à charge le concernant.
S’il n’est pas cité ou épinglé dans ces scandales, cela signifie sans doute qu’il n’y a rien à lui reprocher. Circulez, il n’y a rien à voir. Pour ces raisons et bien d’autres, Paul Biya mérite d’être célébré en ce jour mémorable. Et le Secrétaire général du comité central du Rdpc a parfaitement raison de s’exclamer dans sa circulaire publiée à l’occasion de ce 42è anniversaire : « si le Cameroun c’est le Cameroun, Paul Biya, c’est Paul Biya. » Qui peut dire le contraire ?
Post Scriptum qui n’a rien à voir : Le peuple américain, libre et souverain, a décidé d’élire Donald Trump, candidat du parti républicain, âgé de 78 ans, comme 47è Président des États-Unis d’Amérique. Après une campagne pleine de rebondissements et de suspense, il a battu Kamala Harris, une femme métisse à peine sexagénaire qui avait remplacé Joe Biden, le président sortant, écarté de la course à la Maison Blanche à cause de son âge avancé. Malgré les procès à répétition, les polémiques, les controverses, l’adversité de la majorité des médias, des stars du show-business et d’une certaine élite bien pensante, Donald Trump retrouve donc le Bureau ovale après son premier passage de 2016 à 2020. Morale de l’affaire : l’âge n’est pas un critère absolu de réussite et de compétence en politique d’une part et d’autre part, malgré les influences, les pressions, le peuple sait toujours ce qu’il veut, où il va et avec qui.