Il faut de tout pour faire un bon dialogue: les convaincus, les sincères, les sceptiques mais aussi les adeptes de la démagogie, du TOUT ou RIEN, les habitués de la surenchère et du chantage.
Toutes ces catégories de personnes sont bien sûr présentes au Palais des Congrès dans le cadre du grand dialogue national. Dès la première journée, quelques beaux spécimens se sont illustrés avec en point d’orgue ce que l’un d’eux avait préparé comme un « coup d’éclat » mais qui, malheureusement pour lui, a fait pschitt. La sortie qui se voulait tonitruante n’a fait aucun bruit et est passée complètement inaperçue. Il n’est pas exclu que le concerné change d’avis et revienne, tout penaud et repenti, hanter les couloirs du Palais des Congrès. L’heure étant à la repentance et au pardon, il sera accueilli à bras ouverts, puisque le ridicule ne tue pas. La honte non plus.
Il faut de tout pour faire un bon dialogue: les débats à peine commencés, les sempiternels clivages sur le fond et la forme, le contenant et le contenu, l’essentiel et l’accessoire ont repris droit de cité. Le fond c’est l’objectif à atteindre, à savoir faire taire les armes dans le Nord-ouest et le Sud-ouest, y ramener et y installer les conditions d’une paix durable, gage du progrès et du développement dans ces deux régions et dans le reste du pays. L’essentiel c’est de constater que sur huit commissions, six sont présidées par les ressortissants des deux régions en crise. On notera les cas emblématiques de Joshua OSSIH, Cardinal CHRISTIAN TUMI ou encore SIMON MUNZU. Loin d’être un hasard, c’est le témoignage et l’expression de la volonté des organisateurs de mettre les anglophones au centre des travaux, conformément aux directives du président de la république.
Quant à la polémique sur le contenant et le contenu, elle concerne les deux options sur la forme de l‘Etat: décentralisation poussée, élargie ou approfondie contre fédéralisme à deux, quatre ou dix États. Les Camerounais sont friands de ce type de discussions interminables où personne ne veut entendre raison et s’accroche à ses propres arguments, hélas souvent proches du délire, du fanatisme ou de la passion. Et le comble est qu’ils ne tirent presque jamais les leçons du passé. Au début de la décennie 90, les positions entre partisans et opposants de la conférence nationale souveraine semblaient inconciliables. Les uns s’arc-boutaient sur le contenant, d’autres sur le contenu, Le président Paul BIYA trancha en faveur de la rencontre tripartite. Quelques années plus tard, le débat resurgit concernant la réforme du système électoral. Deux lignes de fracture, mieux deux factions se livrèrent une guerre de tranchées mémorable: les uns pour la Commission Électorale Nationale Indépendante(CENI) et les autres proclamant tout sauf la CENI. Les discussions-négociations entre le RDPC et le SDF en 1997 achoppèrent là-dessus. La suite, tout le monde la connaît: ONEL1 et 2, ELECAM. Depuis la survenance de la crise dite anglophone ce vieux débat refait surface et préempte les discussions. Une fois de plus, certains agitent le contenant comme un fétiche ou un dogme idéologique alors que d’autres brandissent le fait que peu importe le contenant; seul compte le contenu.
En effet on peut bien avoir un fédéralisme sans substance ou une décentralisation où les entités régionales disposent de réels pouvoirs et d’une large autonomie. En somme, le débat sur la forme de l’Etat est à la fois nocif, vicié et vicieux tant il phagocyte, occulte et vampirise le reste. Par conséquent, au lieu de s’étriper et de s’écharper sur cet aspect de la question, vaudrait-il mieux définir et élaborer le contenu des pouvoirs et attributions à transférer aux régions et aux collectivités territoriales décentralisées. Ce contenu épousera alors tout naturellement les contours de son contenant. Peu importe donc le flacon, pourvu que le breuvage procure l’ivresse compatible avec la délicatesse et la justesse du pouvoir à la base. CQFD!
Christophe MIEN ZOK