Au Cameroun les années se suivent et se ressemblent. Dès la mi-janvier, les fêtards compulsifs de la fin d’année, telles des cigales de la fable, commencent à se plaindre d’un mal aussi mystérieux qu’insaisissable: la janviose.
Il disparaîtra comme par enchantement dès que les salaires seront annoncés. Pas besoin d’un traitement ou d’un médecin particuliers. On a vu venir et arriver la « maladie »; elle s’en ira comme elle est venue c’est à dire au pas. Et l’année prochaine les mêmes causes produiront les mêmes effets. C’est une loi implacable de la nature: malgré les mutations génétiques, il est difficile de voir une cigale devenir fourmi par un coup de baguette magique.
Ce qui est valable pour le social semble avoir contaminé la classe politique où les cigales qui chantent, protestent et revendiquent à tue-tête semblent toujours plus nombreuses que les fourmis économes, laborieuses, prévoyantes et silencieuses. Trois semaines après le début d’une nouvelle année électorale qui pourrait être marquée par la tenue des municipales, des législatives et peut-être pour la première fois des régionales, l’opposition camerounaise a embouché ses trompettes préférées que sont les marches, les tentatives de manifestations publiques, le dilatoire sur des sujets aussi démagogiques les uns que les autres. Autant d’initiatives vouées d’avance à l’échec à l’instar du combat de Don Quichotte contre les moulins à vents.
Trois semaines après le début de la campagne des inscriptions sur les listes électorales, certains partis de l’opposition préfèrent planifier des marches et des manifestations publiques contre le « fiasco et la honte » de la Coupe d’Afrique des Nations de football que le Cameroun n’organisera plus en 2019. D’autres n’ont pas encore totalement digéré leur propre honte ainsi que leur fiasco électoral à l’issue de la dernière élection présidentielle. Soit. Et après? Serait-on tenté de se demander?
Et maintenant? Chacun va continuer à jouer sa partition. Les fourmis comme le RDPC ont déjà commencé à compter et à comptabiliser leurs électeurs. Les autres peuvent entonner leur refrain favori qui consiste à donner de la grosse voix sur les sujets périphériques et sans impact électoral certain. Lorsqu’au mois de juin ou juillet le corps électoral sera convoqué et les inscriptions sur les listes arrêtées, ils vont en chœur entonner le couplet de la fraude et autres fadaises du même genre. Rendez-vous dans six ou sept mois pour ce concerto ou ce lamento en ré majeur.
Et maintenant? Avons-nous demandé. En réalité, l’étymologie de cet adverbe qui vient de « main tenant » c’est à dire l’instant présent où l’on tient quelque chose dans la main, montre bien que notre opposition n’a rien entre ses mains en ce moment. Elle brasse de l’air et du vent. Elle aurait pu et dû reprendre la main si elle avait mobilisé ses militants et sympathisants à s’inscrire massivement sur les listes électorales dans la foulée du dernier scrutin. Que non! Les plus radicaux exigent comme préalable la réforme en profondeur du système électoral. Pourquoi pas? La revendication ne manque pas de pertinence et de légitimité. Mais « un tiens vaut mieux que deux tu l’auras ». À chacun ses problèmes. La main ne tenant rien, sans circonscription tenant lieu de fiefs électoraux et surtout sans lieutenants sur le terrain, l’opposition camerounaise semble courir une fois de plus vers une défaite électorale. Le tout en chantant à tue-tête. À moins que le RDPC, par ses propres erreurs et errements, ne lui offre une planche de salut et un gilet de sauvetage. En politique tout est possible.