Les commentateurs, les journalistes et les observateurs de la scène politique camerounaise s’en donnent à cœur-joie depuis quelques jours au terme du congrès du SDF.
Ils parlent très peu du paradoxe et de l’ironie de ces assises qui se sont déroulées au Palais des congrès de Bamenda, berceau du RDPC, sous l’œil bienveillant du portrait officiel de Paul Biya et la protection vigilante des forces de sécurité de cet État que le SDF fragilise souvent par ses prises de position à l’emporte-pièce. Non! Leur intérêt était ailleurs. En décidant de ne pas être candidat à la prochaine élection présidentielle, John Fru Ndi et le SDF semblent avoir réalisé une belle opération de marketing politique. Habileté-ou ruse-suprême, Fru Ndi, qui ne veut pour rien au monde lâcher la proie pour l’ombre, reste l’indéboulonnable Chairman du parti de Ntarikon mais les militants ont jeté leur dévolu sur Joshua Osih, originaire de Kumba dans le Sud-ouest, Représentant du Wouri Centre dans le Littoral à l’Assemblée nationale. Une manière de prendre à contrepied tous ceux qui insinuent, non sans raison, que le Parti est la chasse gardée des ressortissants du Nord-ouest.
Joshua Osih sera donc le candidat du SDF à la prochaine élection présidentielle. À en croire les mêmes commentateurs, observateurs et journalistes évoqués plus haut, son atout majeur réside dans son âge: 49 ans, le même âge que Paul Biya lorsqu’il accédait au pouvoir en 1982. Un signe du destin? Au SDF, beaucoup veulent y croire. Mais l’argument est-il pour autant suffisant pour faire du candidat du SDF le prochain locataire du Palais d’Etoudi? Les mêmes causes produiront-elles les mêmes effets? En tout cas, de nombreux militants du parti au poing levé n’hésitent pas une seule seconde à répondre par l’affirmative. Un « vieux sage encore capable », madré et fort rusé de la scène politique camerounaise pourrait leur donner ce conseil gratuit, avec un petit sourire en coin: qui vivra verra!
En attendant, soyons beaux joueurs et reconnaissons que le coup est plutôt bien joué même si l’opération dégage de forts relents esthétiques et cosmétiques. En effet, il ne faut pas exclure des risques de bicéphalisme à court terme entre le candidat et le président-fondateur. Et puis, au-delà du caractère populiste et démagogique de son positionnement, quel est le logiciel idéologique du SDF aujourd’hui? La campagne électorale à venir sera un grand moment de clarification.
Toutefois, il convient dès maintenant de mettre en garde le SDF et tous les autres partis politiques contre la tentation du jeunisme qui semble faire fureur depuis quelques temps. Le jeunisme est un néologisme relativement récent qui désigne une attitude supposée ou une volonté présumée tendant à l’exaltation, à la valorisation et à l’idéalisation excessives de la jeunesse. Selon les adeptes de ce courant de pensée, la jeunesse est automatiquement synonyme de force, de vigueur, de compétence et de dynamisme. Ce culte de la jeunesse, cette discrimination par l’âge conduisent tout naturellement à un conflit générationnel sans qu’il soit prouvé de manière irréfutable que la jeunesse est un signe de vitalité et de compétence. Quoiqu’il en soit, le choc des ambitions présidentielles entre les « vieux capables » et les « jeunes dynamiques » promet de belles étincelles en perspective. Ce sera l’opposition entre le fond et la forme; la réalité profonde et les apparences; l’expérience contre l’enthousiasme; la lame de fond contre l’écume des surfaces. Mais dans cette course pas comme les autres, une vieille sagesse oubliée de la jeunesse enseigne que « rien ne sert de courir, il faut partir à point ». Conseil d’un « aîné » à ses « cadets » tentés de tomber en pâmoison et en transes devant ceux qui pensent que l’élixir de la jeunesse est une panacée et dont le nouveau slogan est: « for ever young ».
Christophe MIEN ZOK