Le temps qui est passé (trop vite ?) n’a érodé ni son prestige, ni son aura. Bien au contraire.
L’homme semble s’être inscrit dans le temps long, celui qui est la marque de ceux qui façonnent l’histoire. Il n’a ni flétri ni fléchi. Il n’a ni cédé à l’amont ni à l’aval, gardant ce côté énigmatique, charmeur, calme et froid (le contraire du nègre coléreux et brutal), parfois caustique, mais résolu et ferme. A cause de sa peau et de ses lointaines origines, il avait contre lui tout pour ne pas réussir, il retournera ses handicaps en atouts, accumulant audaces et succès spectaculaires. Il devint une icône, mieux, une référence, rendant ainsi un sacré service à ses frères de couleur du monde entier, à la « race » noire, que rien ni personne ne pourra plus jamais ravaler au rang des pâquerettes. Vendredi 20 janvier prochain, Barack Obama, le 43ème président des États-Unis rendra son tablier, prenant et savourant une précoce retraite bien méritée.
Personne n’aurait pu penser, voici huit ans, que le premier Président Noir de l’histoire des Etats-Unis allait tenir, simplement, face à une adversité tantôt sournoise, tantôt frontale, des lobbies conservateurs, des cartels et des tenants de l’orthodoxie raciale, celle de la supériorité des Blancs sur les Noirs et, conséquemment, des adeptes des préjugés et stéréotypes de toutes sortes. Il a opposé à tous ceux-ci, une gouvernance faite de modernité, de grandes réussites économiques et sociales et le retour des Etats-Unis dans le giron des Nations respectées et craintes. A l’intérieur, le chômage a considérablement baissé tandis que tous les grands équilibres macro-économiques sont rétablis, l’inflation est maitrisée et le taux de croissance est à nouveau positif. Qui l’eût cru il y a huit ans seulement?
Pour ses compatriotes qui le portent à la Maison Blanche en ce mois de novembre 2008 comme Président des Etats-Unis, Obama fut, dès le départ, l’agréable surprise que seul ce pays a la capacité et le secret de produire. L’homme nouveau qu’il apparait alors n’en était pas moins imposant et plein d’arguments : éminent administrateur (il est alors gouverneur du Texas, la troisième plus grande ville du pays) ; brillant juriste et Avocat (il est depuis longtemps le défenseur des causes perdues, le soutien et le conseiller des plus démunis), et surtout – suprême consécration – il est le bâtisseur de consciences et l’audacieux releveur de défis. Avec une modestie faite d’élégance et de talent, Obama a su donner à ses nombreux compatriotes pauvres (noirs, latinos, asiatiques) la pleine mesure de son engagement pour un mieux-vivre dans un pays des extrêmes.
Mais si l’on retiendra surtout l’aspect humaniste et débonnaire, incontestablement sympathique, on n’oubliera pas que ce doux autoritaire fut, tout au long de son mandat, l’homme des défis et de la fermeté : il n’a pas transigé avec ses convictions profondes, encore qu’il n’a pas hésité, lorsque l’occasion et les circonstances l’exigeaient, d’user avec un inégalable sang froid de l’autorité que lui confèrent sa fonction et les lois du pays, opérant ainsi de spectaculaires revirements, avec la pleine conscience de marquer son temps et d’imprimer un nouveau courant à l’Histoire : la normalisation des relations avec Cuba, l’accord du nucléaire avec l’Iran et le non à la guerre contre la Syrie sont, selon les spécialistes des questions internationales, des gestes et des décisions éminemment historiques.. A cet effet, sa diplomatie fut à la fois subtile, radicale et pleine d’ambitions, même avec l’Afrique, le Moyen et le Proche-Orient.
Comment s’étonner dès lors qu’il ait cherché, en même temps et en capitaliste convaincu, à exploiter toutes les possibilités qui s’offraient à lui, en Afrique et au Cameroun notamment, sur le double plan de la sécurité et du développement, avec la certitude que l’un ne peut être séparé de l’autre. La présence au Cameroun de trois cent militaires américains a aidé à anéantir l’hydre du terrorisme barbare de Boko Haram ; tout comme l’ouverture plus large aux soutiens multiformes dans le cadre de la coopération bilatérale entre les deux pays, salués à leur juste valeur par le président Paul Biya au sommet de Washington en 2015, seront incontestablement des actes forts qui vont durablement cimenter les relations entre le Cameroun et les Etats-Unis…
Au final, ce simple «instrument de la providence», comme il aime à le dire lui-même, a porté au firmament, la couleur et la grandeur du Noir. Il s’est rangé dans l’Histoire comme le digne héritier de W.E.B Dubois, Marcus Garvey, Nkrumah, Martin Luther King, Cheikh Anta Diop ou encore le boxeur Mohamed Ali. La présidence de Barack Obama, pour le peuple Noir du monde entier, restera comme un moment de légitime fierté et un sacre, du moment qu’elle fut la démonstration et l’affirmation de ce que le génie nègre, mis dans un contexte particulier et favorable, peut tout autant produire des grandes œuvres que n’importe quelle autre créature humaine. Obama a ouvert une brèche, à tous les autres hommes de couleur de s’y engouffrer, d’approfondir et de continuer la belle aventure, chacun dans sa discipline et son domaine de compétence. Chapeau bas et grand honneur à l’artiste. Because he did it, and The job was well done ! Thank you brother.
Par Benjamin Lipawing
Benjamin LIPAWING