L’Assemblée nationale et le Sénat, qui forment désormais le Parlement bicaméral Camerounais, sont convoqués en session ordinaire le jeudi 20 juin 2013. Pour les députés de l’Assemblée nationale, le rendez-vous relève presque de la routine.
Pour le Sénat en cours d’installation et en quête de repères, l’évènement prend les allures d’une grande première. A ce titre, deux défis majeurs interpellent la chambre haute, bénéficiaire jusqu’à présent de la générosité, de la solidarité et de l’hospitalité de la chambre basse : le défi de la ressource humaine et celui des infrastructures, en particulier des locaux.S’agissant du premier défi, les choses sont allées très vite après la réunion lundi dernier du bureau du Sénat. L’on attendait ensuite l’organigramme et la nomination des principaux animateurs de l’administration du Sénat. Le Secrétaire général et son adjoint ont été nommés le 18 juin par le président du Sénat. Il s’agit respectivement de Michel Meva’a Meboutou et de Bernard Wongolo. Les autres collaborateurs du président seront nommés par arrêté du bureau. La nomination de ces premiers responsables ne surprendra pas autant les Camerounaisque l’élection des membres du bureau de la chambre haute intervenue la semaine dernière. Huit jours après la mise en place du bureau du Sénat, les Camerounais ne sont pas encore tout à fait remis de l’énorme surprise créée par Paul Biya. Le dénouement a été digne d’un film de Alfred Hitchcock avec son lot de suspense et de rebondissements. Que faut-il tenter de retenir de la gestion de ce dossier et quelles leçons en tirer ? Pour ma part et en toute humilité, j’y vois un constat et une leçon.Le constat est que Paul Biya, comme chef de l’Etat, comme tout bon chef, a raison de cultiver l’imprévisibilité. Dès lors que tous les actes et décisions du chef sont visibles, prévisibles, programmables dans le temps et l’espace, il cesse d’être chef car il perd toute marge de manœuvre. On le maîtrise tellement qu’il ne surprend plus. Or le mystère est aussi un élixir du pouvoir. Le revers de la médaille est que le chef peut paraître coupé, isolé ; il peut être accusé d’exercice solitaire du pouvoir. On sent bien Paul Biya confronté à la solitude du pouvoir mais, dans son cas, le solitaire enfile toujours le costume du soliste altruiste qui joue pour le collectif et pour le groupe. En effet les choix, difficiles et complexes, auxquels est confronté le chef de l’Etat s’achèvent par des décisions certes inattendues et surprenantes mais qui, pour la plupart, vont dans le sens de l’intérêt général, celui du Cameroun. Il a beau être l’homme orchestre, le playmaker, le distributeur, le créateur du jeu, il n’en demeure pas moins au service de l’équipe et du collectif. Ses dribles peuvent sembler dérouter ses adversaires et ses coéquipiers mais ils s’avèrent efficaces à la longue.La leçon qui découle de ce constat est tout aussi simple. Le décloisonnement et le réajustement institutionnels auxquels vient de procéder Paul Biya avec la mise en place du Bureau du Sénat, montrent, s’il en était encore besoin, que si le « Cameroun est un gâteau national », toutes les portions appartiennent à tous les Camerounais. Il n’y a pas de portion ou de chasse gardées pour une tribu ou à une région, il n’ya pas dans la « République exemplaire », de fief, de strapontin, de fromage réservé à une ethnie, à un groupe, à quelque lobby, coterie, ou réseau. A tout moment de l’histoire du Cameroun, chaque groupe ethnique ou région peut prétendre occuper ou exercer n’importe quelle fonction, dès lors que son tour arrive, que la chance et les circonstances lui sont favorables, et que le destin le veut. Message subliminal de cette leçon que Paul Biya administre aux Camerounais à coup de décret, d’arrêtés et de décisions : le Cameroun se fera avec toutes les régions et avec tous ses fils. Inutile de se battre pour conserver ou pour conquérir une place, un poste, une fonction qui ne relève pas de l’héritage familial mais qui appartient à la République. C’est un appel à la générosité, à la fraternité, au partage et à la solidarité.En définitive, Paul Biya démontre au quotidien que le meilleur soliste est celui qui joue pour le groupe et non pour lui-même.
CMZ
Christophe MIEN ZOK